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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 21.djvu/6

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BIOGRAPHIE UNIVERSELLE
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JEANNE (Sainte), de Valois, fille de Louis XI et de Charlotte de Savoie, naquit en 1464. Cette princesse avait la taille contrefaite et les traits irréguliers : mais la beauté de son âme la dédommageait du peu d’agrément de son extérieur. Un caractère plein de douceur, une bonté inépuisable, une franchise parfaite, qualité très-rare surtout à la cour, où la Providence l’avait placée, la rendirent l’objet de l’affection de toutes les personnes qui l’approchaient. Elle fut mariée, à l’âge de douze ans, au duc d’Orléans, son cousin, qui, malheureusement, ne sut point apprécier ses vertus. Les mauvais procédés du prince ne diminuèrent pas l’attachement qu’elle lui portait ; et elle s’exposa à la colère de son frère (Charles VIII), pour défendre son époux accusé d’un complot contre l’État. Sa patience et sa résignation ne purent cependant toucher le cœur du duc d’Orléans ; et ce prince étant monté sur le tronc sous le nom de Louis XII, il sollicita du pape la dissolution de son mariage. Jeanne ne réclama point contre l’arrêt qui la séparait d’un époux tendrement aimé ; et elle se retira dans le Berry, qu’on lui assigna pour son douaire. Elle renonça dès lors à toutes les vanités du monde, ne se vêtit plus que d’une étoffe grossière, réduisit les dépenses de sa maison au strict nécessaire, et distribua aux pauvres ses revenus. Elle institua à Bourges, en 1500, l’ordre de l’Annonciade[1], dans le dessein d’honorer, d’une manière plus spéciale, les dix principales vertus dont la sainte Vierge a été le parfait modèle : elle prit l’habit de cet ordre, en 1504, et mourut à l’âge de 50 ans, en 1505, le 4 février, jour où l’Église célèbre sa fête. Les précieuses reliques de Ste-Jeanne furent brûlées en 1562, lors de la prise de Bourges par les calvinistes. Sa vie a été écrite en latin par un anonyme contemporain, Anvers, 1524, in-fol. ; et avec un commentaire d’Henschenius. dans les Acta Sanctorum ; en français, par Yves Magistri, Bourges, 1585, in-8° ; par Louis Doni d’Attichy, Paris, 1625, 1644, in-8°, et 1664, in-fol. ; par Paulin de Guast, Bourges, 1664, in-8° ; par le P. Louis de Bony, Paris, 1684, in-8° ; par le P. Pierre de Mareuil, ibid., 1741, in-12 ; par Pierquin de Gembloux, Paris, 1842, in-8°, et par le baron Trouvé, Batignolles, 1853, in-8°, sous le titre : Anne de Beaujeu, Jeanne de France et Anne de Bretagne, esquisses des 15e et 16e siècles ; et enfin en espagnol par P. Massero, Madrid, 1654, in-4°.


JEANNE, reine de France, était fille et unique héritière de Henri Ier, roi de Navarre et comte de Champagne : elle naquit en 1272, et fut mariée, à l’âge de quatorze ans, à Philippe le Bel ; mais elle conserva, du consentement de son époux, l’administration particulière de ses États. Elle chassa les Aragonais et les Castillans de la Navarre, y établit des gouverneurs d’une sagesse éprouvée, et fit jouir ses sujets d’une tranquillité dont ils étaient privés depuis longtemps. Le comte de Bar ayant fait, en 1297, une irruption dans la Champagne, la reine marcha elle-même contre lui, tailla son armée en pièces, l’emmena prisonnier dans Paris, et ne lui rendit la liberté qu’à condition qu’il se reconnaîtrait son’ vassal. La prudence de Jeanne égalait son courage ; elle siégeait dans tous les conseils après le roi son époux, et avait souvent l’honneur de ramener à son avis des hommes blanchis dans les affaires. Elle accompagna le roi, en 1299, dans son expédition contre les Flamands ; et l’on rapporte qu’ayant été choquée du luxe des dames de Bruges, elle fit augmenter la rançon des habitants : mais cette petitesse est trop au-dessous d’une si grande princesse pour qu’on doive y ajouter foi. Jeanne mourut au château de Vincennes, le 2 avril 1305, âgée seulement de 55 ans, et fut inhumée dans l’église des Cordeliers de Paris. Quelques historiens ont cherché à jeter des soupçons sur ses mœurs ; mais les regrets sincères que Philippe donna à sa mort prouvent assez que sa conduite avait toujours été irréprochable. Jeanne unissait la douceur à la fermeté : elle fut aimée de ses sujets, dont elle adoucit le sort ; et ses règlements sont encore un objet de vénération dans la Navarre, où elle fonda la ville de Puente la Reyna. Mézeray, dont on connaît la véracité, a dit « que cette princesse tenait tout le monde enchaîné par les yeux, par les oreilles, par le cœur, étant également belle, éloquente, généreuse et libé-

  1. Il ne faut point confondre cet ordre avec celui des Annonciades célestes, fondé en 1604 à Gênes par Marie-Victoire Fornari (voy. Fornari).