Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 22.djvu/454

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AF fin de novembre. Lafayette attaqua, sous la conduite du général Greene, le camp anglais de Gloucester, en face de Philadelphie, et le força de se replier. Ce léger avantage lui fit donner le commandement des Virginiens, en remplacement de Stéphen. Cependant la situation des insurgés devenait de plus en plus critique. L’armée de Philadelphie, réduite à cinq mille hommes et affaiblie par des désertions journalières, manquait de tout. Le congrès lui-même était livré à des divisions déplorables. On parlait hautement de déposer Washington, parce qu’il avait été malheureux, et de le remplacer par le général Gates. Enfin cet orage se calma, et Lafayette fut chargé, au mois de janvier 1778, du commandement d’une expédition destinée à agir dans le Canada ; mais cette expédition, dénuée de moyens d’action suffisants, n’eut aucune suite, et l’intrépide volontaire fut rappelé au printemps à Walley-Forge, où Washington avait pris son quartier d’hiver. Lafayette employa ce temps à seconder activement les négociations ouvertes entre le ministère français et Deane, Arthur Lee, John Adams et l’illustre Franklin, qui, par l’intelligence et l’activité de ses démarches, conquérait la seconde moitié de sa devise, si connue. Ces négociations déterminèrent un premier envoi du gouvernement de Louis XVI, qui se composait de douze vaisseaux de ligne et de six frégates, sous le commandement du comte d’Estaing. Lafayette prit part à tous les combats que livra l’armée de Washington, et notamment à ceux de Montmouth et de Barren-Hill, où sa présence d’esprit et son courage préservèrent le corps qu’il commandait de périls imminents. Sa conduite dans cette dernière affaire lui valut les justes félicitations du congrès. Cependant des bruits de guerre entre la France et la Grande-Bretagne commençaient à se répandre. Lafayette crut devoir solliciter du congrès la permission de retourner dans sa patrie ; mais il fut retenu à Fishkill par une dangereuse maladie, pendant laquelle Washington, qui appréciait de plus en plus l’intelligence et la loyauté de son concours, ne cessa de le combler de témoignages d’intérêt et d’affection. Au bout de trois semaines, il put faire voile pour la l-’rance sur I.: frégate l’Alliance, le plus beau bâtiment de la flotte américaine. Cette traversée faillit lui devenir funeste. Un complot, qui n’allait à rien moins qu’à le livrer aux Anglais, lui et les principaux officiers de l’équipage, fut découvert une heure avant l’instant marqué pour son exécution. Lafayette fit mettre aux fers trente-trois coupables, et l’ordre fut rétabli. Il arriva à Paris dans le courant de février 1779, et s’occupa sans relâche des intérêts de la cause à laquelle il avait voué tous ses efforts. Vaincu par les instances de ses ministres, M. Necker excepté, Louis XVI avait signé, un an avant, le traité par lequel la France reconnaissait l’indépendance des États-Unis, par le fait seul de leur déclaration séparatice de la métropole.

« Voilà, s’était écrié Lafayette, dans une trop juste prévoyance, un principe de souveraineté qui sera rappelé un jour à la France ! » Ce pacte décisif ouvrait un libre champ à ses démarches. Quoique le congrès lui eût interdit de solliciter de la France des troupes auxiliaires, à cause de la jalousie qu’inspiraient les étrangers aux corps américains, Lafayette présageant la nécessité de nouveaux renforts, pressa l’envoi d’une seconde expédition, et fit choix, pour point de débarquement, de Rhode-Island, dans une île abandonnée par les Anglais. Ce renfort, destiné surtout à relever le moral des insurgés, se composait principalement d’officiers, parmi lesquels on remarquait le comte de Rochambeau, le baron de Vioménil, Mathieu Dumas, Duportail, depuis ministre de la guerre, Charles de Lameth,Berthier, depuis prince de Wagram. Ce simple renfort se convertit bientôt en une expédition de quatre mille hommes, dont le commandement fut confié au général Rochambeau. Lafayette, avant de repartir pour l’Amérique, reçut au Havre, des mains du petit-fils de Franklin, une épée d’honneur, que le congrès lui avait décerner en récompense de ses services. À travers d’ingénieux emblèmes, cette épée portait les noms des combats où s’était distingué le jeune volontaire, et avec sa propre devise : Cur non ? celle de l’Amérique : Crescam ut prosim. Il fut accueilli à Boston avec un vif enthousiasme, et des larmes de joie mouillèrent les yeux de Washington. Le corps expéditionnaire français débarqua quelques jours après son arrivée et resta longtemps en observation à Rhode-Island. Lafayette prit le commandement de l’avant-garde de l’armée, à laquelle il fit présent d’un drapeau où figurait un canon avec cette inscription ; Ultima ratio (le mot regum était supprimé). Il se disposait à attaquer le traître Arnold, dans Philadelphie, lorsqu’il reçut du général en chef l’ordre de secourir la Virginie, menacée par les Anglais. Le comte de Grasse, qui avait jeté l’ancre dans la baie de Chesapeak, avec de puissants renforts, put s’anvacer sans obstacle et couper la retraite à lord Cornwallis, du côté de la mer. Après avoir tenu en échec pendant plusieurs semaines toutes les forces britanniques, Lafayette opéra, le 13 septembre 1781, sa jonction avec Washington, qui amenait avec lui le corps de Rochambeau et la division de Lincoln ; York-Town fut investie, et, à la suite d’un assaut auquel Lafayette prit une part glorieuse, elle capitula. Cet avantage signalé mit fin à la guerre, en entraînant la chute du ministère anglais. Lafayette reçut les dernières instructions du congrès, et revit, au bout de vingt-huit jours de traversée, la France, où l’accueillirent des félicitations universelles. Le maréchal de Ségur, ministre de la guerre, envoya au jeune héros un brevet de maréchal de camp, portant la date du 19 octobre, jour de la capitulation d’York-Town. Lafayette se rendit alors à Madrid afin de pacifier un reste de