Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 26.djvu/278

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la Val-Sainte, divisés en deux parties, la première alla rejoindre dom Augustin à la Trappe du Perche ; et l’autre, sous la conduite du P. Étienne, devait occuper Aiguebelle. La réforme de dom Augustin de Lestrange n’avait pas été approuvée du saint-siège. Le P. Étienne en éprouvait quelque inquiétude ; il consulta le nonce apostolique, qui le tranquillisa en lui répondant que Pie V avait loué l’institut de la Val-Sainte, comme Innocent XI avait autrefois loué et recommandé les constitutions de l’abbé de Rancé. Lorsqu’il entra en 1816 à Aiguebelle, le P. Étienne, âgé de soixante-douze ans, n’avait avec lui que six compagnons ; lui seul était prêtre. L’ancienne abbaye, rachetée-vingt-deux mille francs, était toute délabrée ; l’église, autrefois si belle, avait été ruinée par la négligence, et les bâtiments se trouvaient dans un état déplorable. La Providence vint à leur secours, elle leur envoya des hommes bien disposés et que la pauvreté n’effrayait pas ; il en fit de bons religieux, des prêtres, et les aumônes leur arrivèrent. Comme cela n’était pas encore suffisant, le P. Étienne eut recours aux quêtes, et, monté sur un âne, il alla jusqu’à Viviers, parcourut le Dauphiné, le Languedoc et la Provence. Il donnait l’exemple du travail, qu’il pratiqua jusqu’à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Dès que la maison fut à même de secourir les autres, il reçut les pauvres pendant les trois jours que leur accorde la règle. Le P. Étienne put jouir pendant plusieurs années du résultat de ses travaux. Il vit sous ses yeux se rassembler une nombreuse communauté. Aiguebelle a aujourd’hui plus d’habitants qu’aucune maison de l’ordre ; toutes les dettes qu’il avait été obligé de contracter furent payées ; de nouveaux bâtiments, ou, pour mieux dire, une nouvelle abbaye fut reconstruite ; des terres voisines de la maison furent rachetées ; des fermes, un moulin, des métiers furent établis pour l’exploitation du sol et pour l’usage de la communauté. La reconnaissance des religieux envers l’auteur de tous ces biens se manifeste publiquement en 1834 ; Pendant le gouvernement de dom Augustin, mort en 1827, presque tous les monastères de l’ordre n’avaient eu que des prieurs. Après sa mort, plusieurs maisons demandèrent à être érigées en abbayes. Aiguebelle ne fut pas la dernière à solliciter cette faveur. C’était un bonheur pour cette communauté de conférer à son père, à son fondateur, l’honneur suprême de la hiérarchie monastique. Le P. Étienne comprit ce désir ; mais il avait quatre-vingt-dix ans, ses forces s’affaiblissaient, et il repoussait la dignité qu’on lui offrait. Mais, obligé de céder aux instances de ses religieux et à celles du P. Antoine, abbé de Melleray, il fut élu abbé le 13 août 1834 ; peu de temps après, la cour de Rome confirma cette élection. L’évêque d’Icosie, depuis évêque de Marseille, fit la cérémonie abbatiale. La bénédiction fut imposante ; c’était la consécration de dix-huit années de persévérance. Le P. Étienne s’y montra plein de grâce, de dignité, sans rien changer ses habitudes de simplicité. Jusqu’à la fin de sa vie, il donna il ses frères l’exemple de la piété et de la modération. Dans ses dernières années, voyant bien qu’il ne pouvait plus administrer, il dépose son titre, donna sa démission en 1887 et rentra dans la vie privée. il avait désigné pour son successeur son prieur, dom Orsise, qui fut élu le 31 octobre suivant, en présence de l’abbé de la grande Trappe, venu pour présider cette élection ; Ce fut l’archevêque d’Avignon qui bénit le nouvel abbé. En entrant à Aiguebelle, ce prélat ne put retenir ses larmes ; lorsqu’il aperçut à la tête de la communauté le P. Étienne qui venait au-devant de lui, tenant par la main son successeur et le présentant à la bénédiction du prélat, puis s’agenouillant pour faire son serment d’obéissance. Ainsi commençait pour lui, à quatre-vingt-treize ans, une nouvelle vie. Comme il avait été le plus humble des supérieurs, il fut encore le plus obéissant des subordonnés. L’avant-dernier jour de sa vie, il se fit porter à l’église pour recevoir les sacrements, et adressa quelques paroles à ses frères. Il leur donna sa bénédiction ; deux jours après, le dimanche des Rameaux, 12 avril 1840, il rendit son âme à Dieu en disant aux religieux qui étaient autour de lui : Aimez-vous les uns les autres. Nous nous sommes aidé, pour faire cette notice, de la Vie du R. P. Étienne-Pierre-François-de-Paule Malmy ; qu’a publiée en 1841 M. Casimir Gaillardin, qui lui-même s’est servi de la notice du P. Étienne, rédigée par nous en 1840, peu de temps après-la mort du révérend père, par l’ordre-de l’évêque de Châlons, qui avait prié le supérieur du petit séminaire de Reims de lui envoyer des renseignements sur ce sujet.


MALO, général de la république française, né à Vire ; en Normandie, était frère cordelier à Paris avant la révolution. À cette époque il jeta le froc, endossa l’habit militaire, devint officier de cavalerie, *et se trouvait en 1796 chef de brigade commandant le 21° régiment de dragons au camp de Grenelle, lorsque les jacobins y firent, le 10 septembre, une irruption. On assure qu’il était encore couché quand les révoltés, qui lui en voulaient personnellement, se portèrent à sa tente ; qu’il eut cependant l’adresse de se sauver, et, quoique en chemise, monta à cheval, rassembla quelques dragons, et mit sans peine en déroute cette bande qui n’avait ni armes ni chefs. Il ne tarda pas à se rendre plus célèbre encore par la conjuration de la Villeurnoy, qu’il dénonça Carnot (voy. Villeurnoy). Ayant feint, pendant quelque temps, de partager les intentions des chefs de cette entreprise, il capta leur confiance et les fit tomber dans un piége à la caserne de l’École militaire, où il tint des témoins cachés derrière des matelas, et qui fit donner à cette affaire le nom de conspiration des matelas. Il fut