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deux Martin ne régnaient point encore en Sicile : la succession contestée n’était que la moindre des causes des guerres civiles qui désolaient cette île ; la rivalité des deux anciennes factions des Italiens et des Catalans, le schisme de l’Église partagée entre Urbain VI et Clément VII, dans lequel les Siciliens avaient embrassé le parti du premier et leurs rois celui du second ; plus que tout enfin l’indépendance des nobles, leurs passions féroces et leur habitude de vivre dans l’anarchie auraient détruit toute l’autorité de Marie, de son époux et de son beau-père. Le dernier avait succédé en 1395 à la couronne d’Aragon : Martin, son fils, et Marie furent enfin reconnus par leurs sujets en 1399 ; mais Marie n’était pas destinée à jouir d’un long repos : à peine dans la vingt-neuvième année de son règne nominal avait-elle vu son royaume se soumettre à elle qu’elle mourut, en 1401. Elle laissait un fils qui ne lui survécut que de peu de jours.

S. S-i.


MARIE-ÉLÉONOR DE BRANDEBOURG, reine de Suède, épouse de Gustave-Adolphe le Grand, et mère de Christine, était fille de l’électeur Jean Sigismond ; et Gustave se rendit lui-même à Berlin pour lui offrir sa main : il obtint en même temps son cœur, et l’union la plus tendre régna toujours entre ces deux époux. Marie-Eléonor ne brillait point par un esprit supérieur ; mais elle était belle et joignait à une imagination vive une grande sensibilité. Elle accompagna le roi en Allemagne pendant cette guerre, où il cueillit des lauriers, mais où il trouva la mort. La veuve de Gustave fut inconsolable de cette perte ; elle se lit remettre le cœur de son époux et ne cessa de l’arroser de ses larmes. Pour arrêter ou calmer sa douleur, on l’engagea à faire placer le cœur du roi dans le cercueil, avec le reste de la dépouille mortelle de ce grand homme transportée à Stockholm. Peu de temps après, elle institua un ordre dont la marque était un cœur couronné, ayant d’un côté un cercueil et de l’autre une devise en vers allemands. Elle porta toujours cet ordre et le distribua entre les personnes de sa famille. Marie-Eléonor adorait Gustave-Adolphe ; ’mais elle ne put jamais aimer la Suède, elle s’intéressait même assez peu à Christine sa fille, dont le caractère n’avait pas d’analogie avec le sien. On lui donna pour douaire le château de Gripsholm avec les terres attenantes. Un jour elle disparut et se rendit secrètement en Danemarck. La cour de Copenhague lui fit un accueil honorable ; mais le sénat de Suède conçut des soupçons, et lorsque la guerre fut bientôt a rès déclarée au Danemarck, on allégua parmi les motifs de la rupture les relations que le gouvernement danois avait entretenues avec la reine Marie-Eléonor.

Cette princesse était cependant retournée en Suède, où elle mourut l’année 1655. Elle passa ses dernières années dans une retraite absolue, s’occupant principalement d’embellir son château et cultivant les beaux-arts.

C-au.


MARIE DE BOURGOGNE. fille unique de Charles le Téméraire et d’Isabelle de Bourbon, née à Bruxelles le 13 février 1457, n’était âgée que de vingt et un ans lorsque, par la mort de son père, elle fut héritière des vastes États de sa maison. Dès que le roi de France Louis XI, qui formait des prétentions sur diverses parties de cette riche succession, eut appris la mort de Charles, il fit entrer ses troupes dans la Bourgogne, et s’empara des villes situées sur la Somme qui avaient été engagées au feu duc (voy. Louis XI). Dans cette conjoncture critique, Marie députa vers le roi le fidèle Hugonet, son chancelier, et le brave Imbercourt[1], qui l’un et l’autre avaient joui de la confiance du feu duc, et auxquels, pour leur malheur, elle accorda la sienne. Louis amusa les ambassadeurs, et obtint d’eux l’ordre de remettre Arras entre ses mains. Hugonet et Imbercourt, étant retournés à Gand, où ils avaient laissé la princesse, la trouvèrent privée de sa liberté par les habitants de cette ville tumultueuse, qui s’étaient soulevés et avaient massacré les magistrats nommés par Charles. La fureur du peuple s’était communiquée aux états de Flandre à Gand ; et Marie, prisonnière dans son palais, avait reçu d’eux l’ordre de ne rien entreprendre sans l’avis d’un conseil composé de leurs créatures. Cependant, Louis XI suivait le cours de ses conquêtes ; les Gantois, qui le virent avec inquiétude s’approcher de leur ville, crurent devoir lui faire demander la paix par de nouveaux ambassadeurs. En abordant le roi, ceux-ci l’assurèrent que la princesse, dont on avait forcé le consentement, avait pris la résolution de se gouverner par le conseil des états : « Vous me trompez ou l’on vous trompe, leur dit Louis en les interrompant ; Hugonet et Imbercourt seuls ont sa confiance et je ne dois traiter qu’avec eux. » Les députés, voulant prouver qu’ils étaient autorisés, montrent leurs instructions. Alors le roi, foulant aux pieds toutes les lois de l’honneur, leur fit voir la confirmation de ce qu’il avançait dans la lettre de créance que les conseillers de Marie lui avaient remise ; et il ne rougit pas de la leur livrer. Munis de cette pièce, ceux-ci retournent à Gand, et ils la présentent à la princesse, qui demeure confondue en la reconnaissant. Bientôt Hugonet et Imbercourt sont arrêtés ; on les accuse de traiter en secret avec les ennemis de l’État ; on leur reproche d’avoir entraîné le feu duc dans des guerres injustes et ruineuses, d’avoir vendu la justice et surtout d’avoir anéanti les privilèges de la ville de Gand. On les applique à la torture et un tribunal inique les condamne à mort. Vainement ils interjettent appel au Parlement de Paris ; on ne leur donne que trois heures pour se préparer. Marie, instruite du sort qui

  1. C’est le nom que lui donnent la plupart des historiens, d’après Comines ; mais il paraît qu’il s’appelait d’Humbercourt. (voy. les Mémoires pour servir à l’histoire de la province d’Artois, par Harduin, 1763, in-12, p. 121).