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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 28.djvu/78

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dérable de faits et d’anecdotes. Jusqu’à un âge fort avancé, il donna au public des Notices dont les anecdotes faisaient le fond, et le Journal de médecine de Londres en fit paraître encore une intitulée Le 1er octobre 1851, par un octogénaire, quelques années avant sa mort. Membre actif de plusieurs sociétés de bienfaisance, et notamment de la société médicale, pour venir au secours des veuves et des orphelins, Merriman déploya en nombre d’occasions un rare dévouement à l’humanité. Il mourut le 22 novembre 1853, laissant la réputation d’un habile accoucheur et léguant à son fils, médecin distingué, un nom honorable et déjà célèbre.

Z.

MERSAN (Denis-François Moreau de), fils d’un procureur au parlement de Paris, naquit dans cette ville en 1766. Il adopta d’abord, mais avec modération, les principes de la révolution, et fut, en conséquence, nommé, en 1790, procureur-syndic du département du Loiret, puis député de ce département au conseil des Cinq-Cents, en septembre 1795. Ayant déclaré, le 17 novembre, qu’il se trouvait compris dans les dispositions de la loi du 3 brumaire, qui excluait, dans certains cas, du corps législatif, on recherche aussitôt sa conduite passée, et l’on découvrit qu’il avait, en vendémiaire an 1 (octobre 1795), signé une déclaration par laquelle il inculpait la convention nationale et approuvait le mouvement insurrectionnel qui s’était manifesté contre elle au moment de l’acceptation de la constitution. Il fut en conséquence exclu du corps législatif jusqu’à la paix ; mais, en mai 1797, le nouveau tiers des députés ayant donné la majorité à son parti, Mersan fut rappelé. Après la révolution du 18 fructidor an 5 (sept. 1797), il fut compris dans la loi de déportation, à laquelle il réussit à se soustraire. Rappelé par le gouvernement consulaire après le 18 brumaire, il fut employé quelque temps au ministère de la guerre, puis nommé référendaire à la cour des comptes. Les déclarations de Duverne de Presle, en 1797, l’avaient présenté comme un royaliste très-dévoué, et même comme un agent des Bourbons. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’en 1811 il fut un des premiers, parmi les habitants de Paris, a se déclarer pour la restauration. Il mourut subitement d’une attaque d’apoplexie le 20 janvier 1818. Il avait publié : 1° Pensées de Nicole de Port-Royal, précédée d’une introduction et d’une notice sur sa personne et ses écrits, Paris, 1806 et 1811, in-48 ; 2° Pensées de Balzac, précédées d’observations sur cet écrivain et sur le siècle où il a vécu, Paris, 1807, in-12. On doit en outre à Mersan 3° des articles dans divers journaux et dans les premiers volumes de cette Biographie universelle.

M. Dj


MERSCH. Voyez Vanden Mersch.


MERSENNE (Marin), de l’ordre des Minimes, né au bourg d’Oizé, dans le Maine, en 1588, mourut à Paris le 1er septembre 1648. Doué d’une piété sincère qui l’éloignait du monde, il renonça aux espérances que lui offrait la fortune, pour entrer dans un ordre dont le nom seul atteste l’humilité. Il commença ses études au collége du Mans, et vint les continuer à celui de la Flèche, récemment établi. C’est la qu’il connut Descartes, qui ouvrait sous les plus heureux auspices sa carrière scolastique, à l’époque où Mersenne terminait la sienne. Ces deux élèves, qu’une estime mutuelle réunit bientôt, cimentèrent alors les liens d’une inviolable amitié. Entré dans l’ordre des Minimes en 1641, Mersenne fit son noviciat à Meaux, et revint à Paris suivre ses cours de théologie et de langue hébraïque. Ses chefs l’envoyèrent ensuite à Nevers, pour enseigner la philosophie aux jeunes religieux du couvent, dont il fut bientôt nommé supérieur. Dans cet intervalle Descartes avait été calomnié : on l’accusait d’avoir adopté les rêveries des frères de la Rose›Croix. En vain, Mersenne, revenu dans la capitale, prit la défense de son ami, qui s’était réfugié en Hollande : il alla bientôt se réunir à lui dans cette contrée, où il se lia avec les principaux savants. De retour à Paris, son zèle pour la personne et la doctrine de Descartes ne se ralentit point. Il défendit l’une et l’autre avec chaleur contre d’obscurs sectaires, qui, incapables de comprendre le philosophe français, l’accusaient d’athéisme, lors même qu’il portait les preuves de l’existence d’un être suprême au plus haut degré d’évidence. Descartes mettait alors au jour ses traités de mécanique, d’algèbre et de dioptrique : Fermat, qui le regardait comme un des plus grands géomètres du siècle, lui proposait aussi plusieurs problèmes difficiles a résoudre. Mersenne sut maintenir la paix entre ces deux rivaux, sans trahir les intérêts de l’amitié ; et cette discussion, où l’on vit figurer Pascal père, et Roberval, tourna tout entière au profit e la science[1]. Vers la même époque, il

  1. Si le P. Mersenne tient un rang parmi les géomètres du 17e siècle, à l’une des plus belles époques de l’esprit humain dans les annales des sciences comme sans celles des lettres, c’est moins par la nature de ses propres travaux que par son rôle de correspondant et d’intermédiaire entre les principaux savants de l’Europe. Il provoquait lui-même des recherches en proposant des questions. En 1636, Fermat lui annonça qu’il s’êtait occupé d’une spirale différente de celle d’Archimède, et il lui en exposa quelques propriétés. En 1638, au sujet de la spirale logarithmique indiquée dans la Mécanique de Descartes Mersenne demanda à celui-ci une explication plus détaillée de cette courbe, qu’il communiqua à d’autres géomètres, dont les recherches portèrent la théorie de cette spirale plus loin que ne l’avait fait Descartes. Quant à la fameuse cycloïde ou roulette, le P. Mersenne paraît n’avoir d’autre part dans l’histoire de cette courbe que de l’avoir le premier remarquée et signalée en France, et avoir ensuite. comme à l’ordinaire, servi d’intermédiaire entre quelques-uns des géomètres qui s’en occupèrent. On sait que la cycloïde est la courbe que décrit dans l’espace le clou d’une roue qui roule sur une surface. Mersenne n’est pas inventeur de cette courbe. que Galilée avait remarquée longtemps avant lui. Charles de Bovelles et le cardinal de Cusa, s’occupant de la mesure du cercle, avaient, il est vrai, entrevu la cycloïde en faisant rouler la circonférence d’un cercle sur une ligne droite. mais ils n’avaient point aperçu la véritable nature de cette courbe, qu’ils avaient prise pour un arc de cercle. Galilée ne découvrit pas les propretés de la roulette. Le P. Mersenne ne fut pas plus heureux, car il ne paraît pas qu’íl ait résolu aucun des problëmes relatifs à cette courbe. Il ne fit qu’insérer dans son Harmonie universelle les découvertes de Roberval sur les diverses espèces de cycloïdes, comme il y avait inséré un écrit du même savant sur la statique. Le P. Mersenne avait proposé à Roberval le problème de l’aire de la cycloïde ; il envoya cette solution à Descartes, qui en fit peu de cas, et donna lui-même la solution de quelques autres problèmes beaucoup plus difficiles, et particulièrement de celui des tangentes de la cycloïde, dans lequel Roberval échoua, comme Descartes l’avait prévu. L’année suivante, le P. Mersenne informa Galilée de la recherche du problème de l’air de la cycloïde dont on s’occupait en France. Galilée, qui ne résolu pas ce problème, invita Cavalieri de s’en occuper, et celui-ci n’y réussit pas. Ce ne fut qu’après la mort de Galilée que Torricelli trouva l’aire et Viviani les tangentes de cette courbe. Le P. Mersenne fut encore le canal de a correspondance qui eut lieu dans la fameuse querelle entre Descartes et Fermat au sujet des maxima et des minima, dont les détails ne peuvent trouver place ici, et dans laquelle la raison et une louable modération se trouvèrent du côté du savant conseiller de Toulouse. Le P. Mersenne lut aussi l’intermédiaire de la dispute des deux mêmes géomètres touchant l’ingénieuse méthode de Fermat pour éliminer les inconnues et faire disparaître des équations les quantités radicales, méthode que Descartes eut encore le tort de juger trop légèrement. Enfin Mersenne eut le mérite de rapprocher ces deux hommes célèbres et d’amener une réconciliation, qui, s’il faut en convenir, ne fut jamais sincère et complète de la part de Descartes, mais qui du moins eut l’avantage de faire cesser l’affligeant spectacle d’une mésintelligence ouverte entre deux grands hommes faits pour se rendre une justice réciproque et dignes de s’estimer l’un l’autre.
    R-m-n