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dier cette langue ; mais il y puisa en même temps les erreurs de l’Église grecque. Il alla ensuite à Salonique, où les lettres étaient florissantes ; il y resta quelque temps, se perfectionnant dans la langue et s’endurcissant dans les erreurs. Lorsqu’enfin il fut en état de paraître avec avantage à Constantinople, il s’y transports, en 1527 ; il ne tarda pas à s’y faire des amis puissants, et parvint à obtenir les bonnes grâces de l’empereur Andronic le Jeune, par la protection de Jean Cantacuzène, favori de ce monarque. Cantacuzéne, livré lui-même à l’étude, était alors occupé de former une riche bibliothèque. Barlaam lui fut très-utile pour l’exécution de ce projet ; Cantacuzene le logea dans son palais, s’occupa de sa fortune, et obtint pour lui, en 1351, l’abbaye du St-Esprit[1]. La faveur dont Barlaam jouissait l’enorgueillit. Il traita les Grecs d’ignorants, et osa défier à une controverse, sur différentes matières philosophiques, le savant Nicéphore Grégoras. Il fut vaincu : la honte qu’il en eut et la haine que lui portaient les Grecs l’engagèrent à quitter Constantinople. Il retourna en 1552 à Salonique ; mais l’occasion se présenta bientôt pour lui de se remettre bien avec les Grecs. Le pape Jean XXII ayant envoyé deux légats à Constantinople pour traiter de la réunion des deux Églises, les Grecs refusèrent d’entrer en discussion avec eux ; Barlaam se déclara alors ouvertement pour le schisme, publia contre les légats du pape divers écrits, et dans l’ardeur de son zèle, il lui échappa des traits contre les moines du mont Athos, contre leur manière de prier, et leurs opinions sur la lumière du Thabor ; il alla jusqu’à les traiter d’imposteurs, de corrupteurs du dogme et de réducteurs du peuple. L’un de ces solitaires, qui jouissait parmi en : d’un grand crédit, George Palamas, prit leur défense. Cette dispute, fort animée de part et d’autre, dura trois ans. Il y eut, en 1559, trêve ou suspension d’armes. Andronic envoya secrètement Barlaam en Occident, pour demander des secours contre les Bulgares et les Turcs, qui étendaient chaque jour leurs conquêtes, les premiers en Europe, les seconds le long des côtes de l’Hellespont. Barlaam alla premièrement à Naples, auprès du roi Rbert ; il vint ensuite en France, à la cour de Philippe de Valois, et à Avignon, où régnait alors Benoit XII. On lui fit partout bon accueil, mais les princes latins ne lui accordèrent rien de ce qu’il sollicitait pour l’empereur. Barlaam repassa, en 1540, à Salonique, et y recommença ses hostilités contre les solitaires du mont Athos ; mais un grand nombre de ceux des monastères voisins, et plusieurs du mont Athos même, étant accourus à Salonique, il craignit quelque événement sinistre, et s’enfuit à Constantinople. Là, se sentant fort, il accusa, devant le patriarche et devant les évêques, la doctrine de ces solitaires, et demanda avec instance un synode pour la condamnation de leurs erreurs. Le patriarche.es appela à Constantinople ; ils obéirent, mais se montrèrent disposés à une vigoureuse défense. L’empereur, pressé par les armes des Turcs, voulut en vain apaiser ce tumulte théologique. Barlaam, obstiné dans ses attaques, et Palamas, non moins obstiné à y répondre, firent tant de bruit, qu’Andronic se vit forcé de convoquer le synode demandé par les deux partis. Il fut ouvert le 11 juin 1341. Le patriarche et l’empereur même y présidèrent. Barlaam parla le premier ; Palarnas répondit, et soutint que la lumière du Thabor était la gloire incréée de Dieu ; il parla aussi d’une certaine formule de prière qu’on reprochait aux siens, et qui consistait à laisser tomber sa barbe sur sa poitrine, en tenant les regards baisses. On les accusait de regarder leur nombril, et de croire y voir cette lumière incréée qui était l’objet de la dispute. Il n’est pas démontré qu’ils ne le crussent pas en effet ; les limites sont trop difficiles à poser dans ces matières ; et Dieu n’a sans doute pas dit il la superstition, comme à la mer : Non procedes amplius. Quoi qu’il en soit, Barlaam, s’apercevant que la victoire penchait du côté de Palamas et de ses solitaires, songes, suivant le conseil de son protecteur Cantacuzéne, à faire sa retraite et à se raccommoder avec eux. Il y réussit ; les moines lui pardonnèrent, et le synode fat dissous. Andronic mourut quatre jours après.

Alors Barlaam se mit à réclamer hautement contre le synode, et, ne pouvant supporter la honte dont il crut que la décision de cette assemblée l’avait couvert, il repassa en Italie, laissant chez les Grecs une mémoire abhorrée, à cause de sa doctrine sur la lumière du Thabor, et de la distinction qu’il admettait entre les opérations de Dieu et son essence. Il chercha un asile auprès du roi Robert, grand protecteur des lettres, dont il reçut le meilleur accueil, et qui le mit avec d’autres savants, entre autres avec le grammairien Paul de Pérouse, a la tête de sa bibliothèque. Mazzuchelli (Gli Scritt. d’Italia, t. 5, p. 371), rapporte que ce fut à la cour de Naples que Barlaam rencontra Pétrarque, et qu’il lui enseigna les éléments de la langue grecque ; mais c’est évidemment une erreur. Le synode de Constantinople fut ouvert, comme on l’a vu, le 11 juin 1341. Barlaam n’en partit au plus tôt que vers la fin du même mois, et n’arriva qu’au commencement de juillet à Naples. Pétrarque en était parti dès le commencement d’avril, puisque son triomphe il Rome, où il se rendit en quittant le roi Robert, eut lieu le jour de Pâques, 8 de ce mois. C’était plutôt à Avignon, à la cour de Benoit XII, dans le voyage que Barlaam y fit vers la fin de 1559 ; et, comme il n’y resta que peu de temps, il faut croire que ses leçons se bornèrent à donner à Pétrarque les premiers éléments, et à lui indiquer une méthode pour avancer seul dans cette étude. Barlaam, revenu en Italie, rétracta les opinions qu’il avait embrassées en Grèce, redevint bon catholique, et écrivit plusieurs ouvrages à l’appui des dogmes de l’Église romaine. Clément VI récompense son zèle en le nommant, en 1542, à l’évêché de Geraci, dans le royaume de Naples. On ignore l’époque précise de sa mort ; mais elle doit

  1. Des lettres de Benoit XII, rapportées par Léon Allacci dans son ouvrage intitulé : de Ecclesiæ occident. et orient. perputua Consensione (liv. 3, ch. 16), prouvent que ce fut bien l’abbaye du St-Esprit qui tut donnée à Barium, et non celle de St-Sauveur, comme le prétendent quelques auteurs.