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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 31.djvu/409

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sévères toutes les fois qu’ils parurent agir contre les institutions de leur pays. Carte a laissé une Vie du duc d’Ormond, 2 vol. in-fol.


ORMOND (Jacques Butler, deuxième duc d’), petit-fils du précédent et fils aîné du comte d’ossory, naquit au château de Dublin le 29 avril 1665. Quoique du parti tory, il se déclara sans trop d’hésitation en faveur du prince d’orange, lorsque celui-ci pénétra en Angleterre pour détrôner le roi Jacques II, son beau-père. Admis dans l’intimité de Guillaume III, le jeune duc d’Ormond l’accompagna dans son expédition en Irlande. Après la bataille de la Boyne (1690), il s’empara de la ville de Dublin, abandonnée par les partisans de Jacques II, et fut ensuite détaché sur Kilkenny, dont il se rendit également maître. Ce fut dans un château qu’il possédait auprès de cette ville que le duc d’Ormond traita splendidement le roi Guillaume ; il le suivit plus tard en Flandre. Blessé et fait prisonnier à Nerwinde (1693), il ne fit plus rien de remarquable jusqu’à l’avènement de la reine Anne, auprès de laquelle il jouit de la plus grande faveur. En 1702, il fut nommé commandant des troupes de terre destinées à faire le siège de Cadix ; sir, George Rooke commandait la flotte anglaise. Cette entreprise n’eut aucun succès. Les deux chefs se portèrent alors à Vigo, où les galions des Indes occidentales venaient d’entrer sous l’escorte d’une escadre française commandée par le comte de Château-Renaud ; l’étroit passage qui conduit au port de Vigo était défendu de chaque côté par des batteries, des forts et des parapets. En outre, une forte estacade, formée de chaînes de fer, de mats et de câbles amarrés à chaque bout à un vaisseau de 70 canons, défendait l’entrée du port, et cinq vaisseaux de même force, placés par le travers dans l’intérieur, augmentaient les moyens de résistance. Le duc d’Ormond opéra un débarquement à six milles de Vigo, prit d’assaut un fort qui dominait le port et dirigea contre l’ennemi les quarante bouches à feu qu’il y trouva. Le vice-amiral anglais Hopson s’étant porté à pleines voiles sur l’estacade et l’ayant rompue du premier choc, toute la flotte pénétra dans le port. Après un combat vivement disputé, les Espagnols et les Français se virent obligés de mettre le feu à la plus grande partie des bâtiments, pour les empêcher de tomber au pouvoir des Anglais, qui s’emparèrent néanmoins de 10 vaisseaux de guerre et de 11 galions. Les trésors de l’Amérique furent sauvés (voy. Renau), mais le principal résultat de cette expédition fut le tort irréparable qu’éprouva la marine des deux couronnes ; l’empire de la mer fut assuré aux Anglais pendant tout le cours de la guerre. Les deux chambres votèrent des remercîments aux vainqueurs, et la reine, pour témoigner sa satisfaction au duc d’Ormond, le nomma en 1703 lord lieutenant (vice-roi) d’Irlande. Il fut reçu à bras ouverts dans ce pays, et obtint du parlement tous les subsides que la reine avait demandés ; mais il s’attira ensuite la haine de ce même parlement, en cherchant à mettre quelques bornes à l’emportement que ce corps faisait paraître contre les catholiques, et en s’opposant aux mesures qu’il voulait prendre pOur opérer leur destruction. Il paraît que le duc d’Ormond ne conserva que peu d’années la vice-royauté de l’Irlande, et que les whigs, qui dominaient alors en Angleterre, le firent rappeler, en prenant pour prétexte la mésintelligence qui régnait entre ce seigneur et le parlement. En 1709, la disgrâce du duc de Marlborough ayant éloigné ses partisans du ministère, le duc d’Ormond fut encore fait vice-roi d’Irlande, et en 1712, il fut nommé commandant de toutes les forces anglaises dans les Pays-Bas, à la place de Marlborough. Les négociations entamées à cette époque entre la France et l’Angleterre déterminèrent la reine à lui donner l’ordre de ne s’engager dans aucun siége et de ne hasarder aucune bataille. Sa position devint extrêmement délicate ; et elle le fut encore davantage lorsque le prince Eugène, qui avait résolu d’entreprendre le siége du Quesnoy, l’invita à soutenir cette opération avec ses troupes. Le duc d’Ormond hésita quelque temps avant de faire une réponse positive ; mais, dans l’intervalle, la reine Anne ayant appris que les Hollandais, d’accord avec le prince Eugène, avaient formé le projet de désarmer les troupes anglaises qui se trouvaient dans les Pays-Bas[1], et Louis XIV ayant consenti à remettre Dunkerque pour servir de garantie à l’article concernant l’Espagne, une suspension d’armes fut arrêtée entre les couronnes. Le duc d’Ormond la fit publier dans son camp, après s’être concerté avec le maréchal de Villars (juin 1712) ; les alliés en conçurent de vives alarmes, et mirent en jeu tant de ressorts auprès des généraux qui commandaient les corps étrangers à la solde de l’Angleterre, que ceux-ci refusèrent de se séparer de leur armée. Le duc d’Ormond, leur ayant fait notifier que dès ce moment la reine ne les payerait plus, et craignant que les Hollandais ne suscitassent des obstacles qui auraient pu compromettre sa sûreté, commença par se saisir de Gand et de Bruges, où il mit des garnisons. Il se dirigea peu de temps après sur Dunkerque avec le reste de ses forces, et se rendit ensuite à Londres, où il resta jusqu’à la mort de la reine Anne, qui l’admit dans ses conseils et ne cessa de lui témoigner la plus grande confiance. La nuit qui précéda la mort de cette princesse (14 août 1714), lorsque le conseil fut terminé, le duc de Buckingham, qui prévoyait de grands changements, s’approcha du duc d’Ormond, et lui dit en lui frappant sur l’épaule : « Mylord, vous avez seulement vingt-quatre heures pour faire vos affaires et vous rendre


  1. Ce complot fut découvert par les agents de Louis XIV, qui en instruisit la reine Anne.