Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 32.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un des traits caractéristiques de dom Pedro ; on n’eut aucune peine à lui persuader que le prince aspirait in une part de domination beaucoup trop forte. On l’accusa surtout d’avoir concouru au soulèvement de Pernambuco, dont le but était au moins le renversement du ministère, si ce n’est l’annulation du roi, soit par l’élévation de dom Pedro à la régence, soit par son association au trône, ou même la rupture du lien colonial entre le Portugal et le Brésil. La démarche qu’il lit en enrégimentant toute sa maison, qu’il nomma bataillon de volontaires du prince royal, et en l’offrant à son père comme avant-garde de la division qui allait entrer en campagne, ne fit pas revenir ce monarque des soupçons qu’il avait conçus. La popularité qui, surtout depuis cet événement, s’attacha au nom de Pedro aigrit encore l’esprit jaloux de Jean, et l’on peut dire qu’on réalité l’héritier du trône fut comme en disgrâce presque tout le temps du règne de Jean VI, et que ses recommandations, sa faveur étaient en quelque sorte un titre à la défaveur du ministère. Cette hostilité de la cour contre dom Pedro se faisait souvent sentir jusque dans les détails les plus minutieux. La légation anglaise, si elle n’avait aucune part à cette mésintelligence, ne faisait rien du moins pour l’empêcher : tout ce qui pouvait perpétuer la faiblesse des Portugais rivait la chaîne qui les unissait à la Grande-Bretagne. C’est sur ces entrefaites qu’éclata cette révolution de Porto (24 août 1820), calquée en un sens sur celle de Léon, mais qui de plus qu’elle présente cette double circonstance que le mécontentement, né de l’appauvrissement du Portugal, pressure pour satisfaire au luxe de la cour de Rio-Janeiro, détermina l’explosion, et qu’il s’y joignit un élément antibritannique très-marqué. On prétendait bien poser des homes a la puissance du roi. mais celle des Anglais pesait aussi, et ce gui dé popularisait absolument Jean VI aux yeux du Portugal, c’est que ce prince était un roi préfet des Anglais, on peut dire presque leur prisonnier à Rio, tandis que Béresford régnait à Lisbonne. Ceux-ci ne s’y trompèrent pas, et ils se mirent en devoir, tout en profitant de ce que la révolution avait d’avantageux pour leur système, qui consistait à entretenir l’irritation entre les monarques et les peuples pour diminuer la cohésion de l’Europe continentale, de fortifier leur puissance compromise. Le cabinet de St-James voulut d’abord y suffire par ses propres forces, et Béresford courut à Bio demander à Jean VI la vice-présidence du Portugal, ce qu’il obtint sans peine, ce qu’il se fût fait céder de haute lutte ; mais de retour à l’embouchure du Tage, il ne put, malgré le seing royal, se faire ouvrir l’entrée de Lisbonne, et il dut retourner à Londres. Force fut alors à l’Angleterre de renoncer il maîtriser le Portugal sans l’assistance du roi. Il fut donc décidé que Jean VI, qui était resté au Brésil après les événements de 1814 et de 1815 !l, mettrait à la voile pour l’Europe. Ce départ eut lieu au printemps de 1821, et en s’éloignant, Jean VI laissa son fils régent du Brésil. Mais, pendant ce temps, les événements avaient marché. L'accueil que reçut à la cour, particulièrement de la reine Charlotte-Joachime et de ses amis, la nouvelle de la révolution de Porto, avait achevé de jeter Pedro à la tête des partisans des innovations, et lui avait offert l’occasion de conseiller à son père concessions, que repoussait de toutes ses forces le ministère. Tandis qu’on rêvait à la cour une expédition anglo-brésilienne contre le Portugal, le Brésil lui-même était agité : Pernambuco, théâtre d’une première tentative, grondait derechef ; Bahia proclamait la constitution ; la province de Para suivit son exemple ; Pedro, que naguère il avait été question d’arrêter et d’envoyer sous garde anglaise à Gibraltar, était devenu en peu de jours redoutable. Jean fut heureux de le trouver là pour apaiser l’effervescence qui allait gagnant, et ginvestlt de ses pouvoirs. Il acceptait par un décret formel la constitution telle qu’al ait la faire le Portugal. Pedro lut à la population cet acte, qui ouvrait une ère nouvelle, et s’employa efficacement in faire renaître la tranquillité. Probablement la légation anglaise avait déjà son plan tout fait, et ce fut celui qu’on vit se développer ensuite. Au milieu de divers tiraillements entre le parti monarchique, qui ne se tenait pas pour battu et qui gardait troujours son empire sur Jean VI : et les constitutionnels, groupés alors autour de Pedro, le progrès des idées pour l’indépendance du Brésil se manifestait de jour en jour. Ce progrès fait comprendre le conflit d’idées avec lequel on voyait le prochain départ du roi. Son départ en et satisfaisait et contrariait à la fois les adhérents du nouveau régime. En laissant partir Jean VI avec sa femme, on avait à coup sûr un obstacle de moins au triomphe des idées sous l’empire desquels avait été jurée fidélité à la constitution. Mais Jean et sa cour jetaient beaucoup d’argent dans le pays : en un sens, le Portugal était devenu la colonie et le Brésil la métropole ; le Portugal donnait le plus pur de ses richesses au Brésil, et le Brésil ne lui rendait rien en échange : cet état de choses devait changer par le retour de la Cour à Lisbonne. Aussi le collège électoral, assemblé pour nommer les députés brésiliens aux cortès de Lisbonne, fît-il mine un instant de s’opposer au départ, que toutefois il ne put retarder, et il exigeait du monarque un serment a la constitution, serment dans lequel aurait été contenue la promesse de laisser toujours le Brésil sur le pied d’égalité avec le Portugal. Ces exigences ne servirent qu’à irriter la cour, qui fit marcher contre le collége la division auxiliaire (c’était un corps sur lequel elle comptait plus particulièrement). De grands dégâts eurent lieu :