chafaud révolutionnaire. Après avoir éprouvé des persécutions dans le cours de la révolution, de Remusat parvint à une grande faveur auprès du premier consul Bonaparte, qui le nomma en 1802 préfet de son palais, puis surintendant des spectacles de Paris et comte de l’empire. Madame de Remusat eut d’autant plus de part aux bienfaits du nouveau maître de la France, que c’était par elle ou plutôt par sa mère, depuis longtemps liée avec madame Bonaparte, que son mari les avait obtenus. Elle fut nommée dame du palais de l’impératrice Joséphine, emploi qu’elle conserva après le divorce qui sépara Napoléon de sa première femme. Sous le gouvernement de la restauration, elle suivit son mari, qui fut successivement préfet des départements de la Haute-Garonne et du Nord. Madame de Remusat mourut à Paris, le 16 décembre 1821. M. Charles de Remusat, son fils, publia, en 1824, son œuvre posthume intitulée Essai sur l’éducation des femmes, qui obtint un grand succès et valut à la mémoire de l’auteur les plus honorables suffrages. L’Académie française lui décerna le prix d’une médaille d’or. On croit que ce n’est pas le seul ouvrage que cette dame ait laissé. M. Ste-Beuve, qui lui a consacré un long article dans ses Portraits de femmes, indique le manuscrit de deux romans qu’il a lus et dont il parle avec éloge, ainsi que des Mémoires sur l’empire, que la peur fit jeter au feu par l’auteur en 1815, et dont il ne reste que des fragments. Madame de Remusat avait donné au Lycée français une Nouvelle qui est insérée au t. 3, p. 281 de ce recueil. M-dj.
BEMUSAT (Jean-Pierre-Abel), l’un des plus célèbres orientalistes de notre époque, s’est distingué surtout par la connaissance qu’il possédait, à peu près exclusivement en France, des langues chinoise et tartare-mandchoue. Il était né à Paris le 5 septembre 1788, tenant à la Franche-Comté par sa mère, à la Provence, et probablement à la famille dont il s’agit dans Particle précédent, par son père qui, natif de Grasse, n’était point un des chirurgiens du roi par quartier, et ne figure pas dans les almanachs royaux, sur la liste des chirurgiens de Paris. On le trouve seulement dans celui de 1789, sous le nom de Rsmusor, parmi les chirurgiens suivant la cour, attachés à a prévóté de l’hôtel du roi. Une chute que fit Abel Remusat, dans sa première enfance, de la terrasse des Tuileries sur le pavé du quai, mit sa vie en danger. Il ne la conserva que par un repos absolu de plusieurs années, et perdit l’usage d’un œil ; mais la vie sédentaire, développant son intelligence, lui fit de l’étude un besoin et un plaisir. À onze ans, il s’était composé un petit dictionnaire mythologique ; et à quatorze, il fit un tableau chronologique, généalogique et synchronique des rois de la Grande-Bretagne. Il étudiait en même temps la botanique, et se formait un herbier, en faisant sécher les 1
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fleurs et les plantes qu’il rapportait de ses promenades. À défaut des colléges supprimés depuis la révolution, il n’eut pour maître de latin que son père qu’il perdit en 1805, et cependant il écrivait et parlait cette langue avec la plus grande facilité. Devenu Punique soutien de sa mère, il sacrifia ses goûts à a nécessité de se créer une position ; et comme le vœu de ses parents l’avait appelé, dès son enfance, à la pratique de la médecine, il en suivit les cours dans la capitale. Quoique cette étude semble exiger tout le temps et toutes les facultés de celui qui veut y obtenir des succès, Abel Remusat, d’un caractère remuant et laborieux, créa avec quelques-uns de ses condisci les une Société philo»tropique, pour conduire g la perfection intellectuelle et morale ; mais cette société, dont il avait rédigé les statuts en latin, fut de courte durée. Remusat compléta son éducation, en suivant les cours de sciences et de haute littérature de l’école centrale au palais des Quatre-Nations. Il y connut St-Martin (voy. ce nom), avec lequel il se lia d’une étroite amitié. Ayant vu un magnifique herbier chinois à l’Abbaye-aux-Bois, ou l’abbé de Tersan avait formé une belle collection d’antiquités et de curiosités, le jeune savant s’enflamma de la passion d’apprendre la langue qui pouvait lui en ex liquer toutes les planches. Ainsi la botanique Fut la cause primitive de son goût pour les langues orientales, même les plus difficiles, telles que le chinois, le tibétain et le tartare. Encouragé par l’abbé de Tersan, qui lui prèta des livres chinois ; aidé par ceux que la bienveillante amitié de Silvestre de Sacy lui faisait venir de Berlin et de St-Pétersbourg, et aussi par la grammaire de Fourmont et par les ouvrages de missionnaires en Chine, Remusat put, sans maître, copier à la dérobée tous les alphabets qu’íl découvrit, et composer lui-même, pour son usage, des dictionnaires et des grammaires. Il ne lui avait pas même été possible d’avoir communication des dictionnaires chinois qui sont à la bibliothèque de Paris, parce que le ministère, en ordonnant l’impression de celui du P. Basile de Glémona, les avait tous mis à la disposition de Deguignes fils, chargé de cette publication. Abel Bemusat ne se laissa point rebuter par ces difficultés ; et Vopiniåtreté du travail suppléant aux secours qui lui manquaient, il parvint, au bout de cinq ans, à publier, en 1811, son Essai sur la langue et la littérature chinoises. Cet ouvrage qui, dans un étudiant de vingt-trois ans, montrait un sinologue du premier ordre, fixa dès lors sur lui l’attention du petit nombre de ceux qui, en Europe. cultivaient cette littérature, et tous s’empressèrent d’entrer en relation avec lui. Les académies de Grenoble et de Besançon le reçurent parmi leurs membres. Ifexplication d’une inscription en chinois et en mandchou du cabinet des antiques de Grenoble valut à Remusat, en 1812, son admission à