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nom de la France l’effet des traités conclus par le roi Louis XVI avec le souverain de la Cochinchine et à fonder au milieu de l’Asie un établissement permanent. Mais, au début de cette expédition, le tyran cochinchinois, ivre de fureur, mit à feu et a sang les églises chrétiennes, et au bout de tous ses travaux, le vénérable évêque, errant dans des forêts pestilentielles, y succomba victime de la fièvre des bois, le 22 octobre 1858, à l’âge de 55 ans. Ainsi se termina, dans le délaissement et la misère, cette vie héroïque, sanctifiée par vingt-sept ans d’apostolat, dont dix-huit avec la dignité si laborieuse de vicaire apostolique. La Vie de Mgr Retard a été publiée en 1859, à Lyon, in-8°. L. P—s.


BETZ (Grues ne LAVAL, seigneur DE), trop fameux sous le nom de maréchal de Retz, né vers l’an 1396, était l’ainé des fils de Gui de Laval, deuxième du nom, seigneur de Retz, cadet de la maison de Laval et de Marie de Craon de la Suze. Il perdit son père en 1416, servit d’abord le duc de Bretagne, son souverain, et l’en voit son nom cité dans l’histoire en 1420 et 1425. Étant passé au service du roi de France Charles VII, il emporta d’assaut, en 1427, le château du Lude, dont il tua le commandant. Il reprit encore aux Anglais la forteresse de Rennefort et le château de Malicorne, dans la Maine. En 1429, il fut un des principaux capitaines qui aidèrent Jeanne d’Arc à faire entrer des vivres dans Orléans, et il se distingua à la prise de Gergeau. Il était, ainsi que son frère René, sire de Laval, l’un des chefs de l’armée qui accompagne le roi à Reims cette année pour y être sacré. le sire de Laval fut fait comte dans cette occasion, et il est probable que le sire de Retz fut nommé aussi maréchal de France. En l’élevant si jeune à cette dignité, peu prodiguée alors, on ne considéra pas moins son mérite et ses services que sa naissance. Il est certain qu’il était décoré de ce titre au sacre de Charles VII et que ce fut lui qui apporta la sainte ampoule de l’abbaye de St-Remi à l’église métropolitaine. Il était de plus conseiller et chambellan du roi. Il se signala, en 1630, a la prise de Melun, et l’année suivante a la levée du siège de Lagny par les Anglais. En 1436, il commandait avec le maréchal de Rieux l’avant-garde de l’armée française, sous les ordres du connétable de Richemont ; cette armée étant arrivée devant Sillé dans le Maine en présence des Anglais, les deux partis se séparèrent sans combattre. Ici parait finir la carrière militaire et honorable du maréchal de Retz. Il ne nous reste plus que la tâche pénible d’offrir le tableau des extravagances, des vices et des crimes monstrueux qui ont plus contribué que ses exploits à sa malheureuse célébrité. Héritier à vingt ans d’un patrimoine considérable et marié quatre ans après à Catherine de Thouars, qui lui avait apporté plusieurs terres en dot, il était devenu l’un des plus riches seigneurs du royaume en 1432, par la mort de son aïeul maternel, Jean de Craon, seigneur la Suze, de Chantocé, d’lngrande, etc. On évaluait sa fortune à trois cent mille livres de rente, qui feraient plus d'un million aujourd’hui, sans compter les profits de ses droits seigneuriaux, les émoluments de ses charges et un mobilier de cent mille écus d’or. Mais il en eut bientôt dissipé la plus grande partie par ses prodigalités, son faste et ses débauches. Il eut d’abord une garde de 200 hommes à cheval, dépense que les plus grands princes pouvaient a peine soutenir dans ce temps-la, et il traînait en outre à sa suite plus de cinquante individus, chapelains, enfants de chœur, musiciens, pages, serviteurs, etc., la plupart agents ou complices de son libertinage, et tous montés et nourris a ses dépens. Sa chapelle était tapissée de drap d’or et de soie. Les ornements, les vases sacrés étaient d’or et enrichis de pierreries. Il avait aussi un jeu d’orgues qu’il faisait toujours porter devant lui. Ses chapelains, habillés d’écarlate doublé de menu vair et de petit gris, portaient les titres de doyen, de chantre, d’archidiacre, même d’évêque, et il avait de plus député au pape pour obtenir la permission de se faire précéder par un porte-croix. Il donnait a grands frais des représentations de Mystères, les seuls spectacles connus alors. Pour sa livrer a ces profusions, il aliéna une partie de ses terres a l’évèque de Nantes, aux chapitres de la cathédrale et à la collégiale de cette ville. En 1434, il vendit à Jean V, duc de Bretagne, les places de Mauuléon, St-Étienne de Malemort, le Loroux-Botereau, Pornic et Chantocé. Sa famille, alarmée, obtint un arrêt du parlement de Paris qui défendait au maréchal d’aliéner ses domaines. Le roi n’ayant pas voulu approuver les ventes déjà faites, la duc de Bretagne s’opposa à la publication de ces défenses et refusa d’en donner semblables dans ses États. Les parents du maréchal, irrités de ces refus, tâchèrent de conserver ces places dans leur maison et résistèrent au duc ; mais il les reprit, ôta au comte de Laval, son gendre, la lieutenance générale de Bretagne et en revêtit le maréchal de Retz, avec lequel il consomme tous ses marchés en 1437. Ces ressources ne suffisant pas à Gilles de Retz, il avait depuis longtemps cherché d’autres moyens pour s’en procurer. Assez instruit pour son siècle, il eut recours a l’alchimie. De prétendue adeptes lui apprirent le secret de fixer les métaux ; mais il manqua le grand œuvre. Dégoûté de l’art d’Hermes, il se jeta dans la magie. Un Anglais, nommé messire Jean, et l'Italien François Prelati, furent successivement ses maîtres et l’aidèrent dans ses conjurations. On dit qu’il promettait tout au diable excepté son âme et sa vie. Mais tandis qu’il prodiguait l’encens au démon et qu’il faisait l’aumône en son honneur, il continuait ses exercices pieux avec ses chapelains, alliant ainsi une extrême superstition aux pratiques les plus impies et à la dépravation de mœurs la plus criminelle. En effet, ce fut a cette