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chée que son père, petit hidalgo sans fortune, désirant lui assurer une existence, le fit entrer dans les gardes du corps, qui, depuis l’élévation scandaleuse du prince de la Paix, étaient devenus le meilleur moyen de parvenir à tous les emplois, même ecclésiastiques. Il en faisait encore partie lors de l’invasion des Français en 1808. Il paraîtrait que Riégo entra d’abord dans un bataillon formé contre eux en grande partie d’élèves de différents colléges, et qu’il passa ensuite comme officier dans le régiment des Asturies. Fait prisonnier et amené en France. Riégo rentra dans sa patrie (1814) lorsque Ferdinand Vll eut été rétabli sur le trône de ses pères et ne tarda pas à être employé dans le 2e bataillon des Asturies avec le grade de lieutenant-colonel. Ce bataillon faisait partie de l’armée d’expédition réunie à Cadix et dans l’île de Léon, destinée à réduire les colonies d’Amérique révoltées contre la métropole. Cette armée était, au mois de mai 1819, forte d’environ 20 000 hommes, et avait pour commandant en chef O’Donnell, comte de l’Abisbal. Un certain nombre d’officiers appartenant à cette armée, croyant le moment favorable pour profiter du malaise et du mécontentement qui régnaient dans le pays, organisèrent un complot, à la tête duquel il paraît aujourd’hui constant que se trouvait le comte de l’Abisbal ; mais il avorta par le fait même de ce dernier. Au mois de novembre suivant, les bases d’un nouveau complot furent arrêtées entre des lieutenants-colonels, des commandants de bataillon et des officiers inférieurs. Il devait être exécuté au moment où l’expédition aurait reçu ordre de mettre à la voile. Le 1er janvier 1820 fut désigné définitivement quelque temps après : c’était dans le courant de ce jour que devait avoir lieu l’insurrection simultanée du petit nombre de troupes qu’on avait pu parvenir à séduire. Conformément à un plan convenu, Riégo, qui était cantonné avec son bataillon dans le village de las Cabezas de San-Juan, sortit du quartier avec ses soldats, les harangua, fit poser des sentinelles à l’entrée du village, se rendit sur la place et proclama la constitution des cortès de 1812, à laquelle officiers et soldats allèrent ensuite prêter serment dans l’église. Après ce premier pas, il destitua les autorités locales, nomma des alcades provisoires, et ayant fait prendre quelques provisions à sa troupe, il se mit en marche pour Arcos de la Frontera, où était le quartier général de l’armée. Des officiers de la place engagés dans la conspiration l’attendaient à la métairie du Terral, située à un quart de lieue de la ville ; il y arriva le lendemain, à deux heures du matin. Le bataillon de Séville, qui devait s’y trouver pour agir de concert, ne paraissant pas, Ríégo fit faire un instant halte à sa troupe. Sa position, au milieu d’un pays couvert de soldats dont il ignorait les dispositions, lui inspira bientôt de sérieuses inquiétudes, et, quoique le bataillon des guides, qui formait la garnison d’Arcos, fût plus fort que le sien, il se décida à pénétrer dans la place en se confiant à la fortune. Elle le servit à souhait : non-seulement le comte de Calderon, général en chef de l’armée, les généraux Fournas, Salvador et Blanco, et le corrégidor d’Arcos furent arrêtés dans leurs logements ; mais le bataillon des guides, qu’on n’avait pas eu le temps de mettre en défense, se joignit aux insurgés, et celui de Séville, qui s’était égaré et avait été retardé par le mauvais temps, vint augmenter ses forces. Il s’était fait remettre d’abord douze mille ducats qui se trouvaient en caisse ; bientôt après, il s’empara de quelques milliers de piastres envoyées de Madrid. Comme à las Caliezas, l’un de ses premiers soins fut de proclamer la constitution et de changer les autorités civiles, impatient de ne pas recevoir des nouvelles de l’entreprise de Quiroga, qui, dirigeant l’insurrection sur un autre point, devait s’emparer de Cadix, Riégo partit d’Arcos avec ses quatre bataillons, conduisant avec lui les généraux qu’il y avait enlevés. Il proclama la constitution à Xérès, changea les alcades, et se dirigea sur Puerto Santa-Maria, où il fut joint par O’Daly, Arco-Aguero et les deux frères San-Miguel. Ils entrèrent ensemble dans l’île de Léon. Les prisonniers d’Arcos ayant été mis en sûreté dans le fort de Santi-Petri, les insurgés, dont les forces réunies ne s’élevaient qu’à sept bataillons, délibérèrent sur leur position et s’occupèrent à organiser l’armée dite nationale. Quiroga fut élu de nouveau commandant en chef, Riégo fut placé à la tête de la première division, et des proclamations et un manifeste à la nation espagnole, au nom de l’armée, appelèrent à l’insurrection le reste des troupes et le peuple de la Péninsule, tandis que les adresses au roi demandaient le rétablissement de la constitution de 1812. Lorsque la nouvelle de l’insurrection parvint à Madrid, on ne voulut pas y croire ; mais quand il ne fut plus possible d’en douter, on passa d’une extrémité à l’autre en exagérant les forces et les avantages des révoltés. Le ministère montra d’abord quelque hésitation ; il nomma ensuite au commandement de l’armée et de la province d’Andalousie, avec les pouvoirs les plus étendus, Freyre, qui commandait à Séville les carabiniers royaux et qui avait déjà pris des mesures pour arrêter l’insurrection. Ce général se hâta de rassembler les troupes sur la fidélité desquelles il croyait devoir compter, les dirigea sur l’île de Léon, et fit passer à Cadix un renfort de 1 000 hommes. qui n’y purent parvenir que par mer. Les insurgés, comme bloqués dans l’île de Léon par la cavalerie de don Joseph O’Donnell, frère du comte de l’Abisbal, avaient fait peu de progrès, et se bornaient à quelques excursions pour se procurer des vivres et soutenir les autorités qu’ils avaient établies dans quelques communes. Le 10 janvier, le régiment des