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une note fort détaillée dans l’Aristarque de Samos, grec et latin, publié par de Fortia-d’Urban, p. 233. 3° Nouvelle manière de balance, inventée par M. de Roberval (dans le Journal des savants de 1670, p. 9). Cette machine, composée de règles assemblées comme celles d’un pantographe, offre l’apparence d’un paradoxe et pourrait figurer dans un recueil de récréations mathématiques, mais ne présente aucune application utile. On peut encore consulter, sur ce géomètre français, son Éloge, par Condorcet, Histoire du collége royal. par Goujet, et le tome 3 de l’Histoire des mathématiques, par Montucla. W—s.

ROBESPIERRE Maximilien-Marie-Isidore) naquit à Arras le 6 mai 1758[1]. S’il faut en croire une tradition fort accréditée, sa famille, d’origine irlandaise, serait venue s’établir en France vers le milieu du 16e siècle, lors des persécutions dirigées en Angleterre contre les catholiques. Toujours est-il qu’à partir des premières années du siècle suivant on peut en suivre la généalogie dans les archives du Pas-de-Calais. Les Robespierre, de père en fils, étaient notaires à Carvin, petite ville située à une vingtaine de kilomètres d’Arras, sur la route de Lille. Maximilien de Robespierre, aïeul et parrain du député aux états généraux, est le premier qui vint fixer sa résidence dans la capitale de l’Artois, où, comme son fils et son petit-fils, il exerce la profession d’avocat au conseil provincial. Son fils et lui signaient habituellement Derobespierre, en un seul mot ; mais la plupart des membres de sa famille, très-nombreuse, écrivaient de Robespierre. Quant à Maximilien-Isidore, ce fut vers 1790 qu’il abandonna tout à fait ’la particule, c’est-à-dire ã l’époque où, pour le peuple il commençait d’être Robespierre. Il eut pour mère Jacqueline-Marguerite Carraut, fille d’un marchand brasseur du faubourg de Rouville, femme d’une grâce et d’un esprit charmants, qui mourut toute jeune encore, laissant quatre enfants en bas âge, deux fils et deux filles. Le père, désespéré, prit en dégoût ses affaires, quitta la France pour essayer de faire diversion à sa douleur, parcourut successivement l’Angleterre et l’Allemagne, et finit par mourir à Munich, dévoré par le chagrin. Maximilien avait alors un peu plus de neuf ans ; c’était l’aîné de la famille. D’étourdi et de turbulent qu’il était il devint tout à coup étonnamment sérieux et réfléchi, comme se sentant destiné à servir de père à ses deux sœurs et à son petit-frère. On le mit d’abord au collége d’Arras ; puis bientôt, par la protection de M. de Conzié, évêque de la ville, qui était très-attaché à sa famille, il obtint au collége de Louis-le-Grand une des bourses dont disposait l’ancien collège d’Arras depuis sa réunion à celui de Louis-le-Grand. Il y fut le plus laborieux des élèves, le plus soumis des écoliers, et chaque année son nom retentissait glorieusement dans les concours universitaires. Déjà se montraient ses tendances républicaines. Un de ses professeurs de rhétorique, le doux et savant M. Herivaux. l’avait surnommé le Romain. Ses études classiques terminées, il fit son droit, toujours sous le patronage du collége de Louis-le-Grand, dont l’administration, dès qu’il eut conquis tous ses grades, voulant lui donner une marque publique de son estime et de l’intérêt qu’elle lui portait, décida, par une délibération en date du 19 juillet 1781, que, « sur le compte rendu par M. le principal des talents éminents du sieur de Robespierre, boursier du collège d’Arras, de sa bonne conduite pendant douze années et de ses succès dans le cours de ses classes, tant aux distributions de l’université qu’aux examens de philosophie et de droit, » il lui serait alloué une gratification de six cents livres. — Après s’être fait recevoir avocat au parlement, il retourna dans sa ville natale, où une cause célèbre ne tarda pas à le mettre en lumière parmi ses confrères du barreau d’Arras. Il s’agissait d’un paratonnerre que M. de Vissery de Bois-Valé avait fait élever sur sa maison et dont les échevins de St-Omer avaient ordonné la destruction comme menaçant pour la sûreté et la tranquillité publiques. Chargé de soutenir la cause de M. de Bois-Valé, qui s’était pourvu en appel devant le conseil provincial d’Artois, Robespierre, dans une très-belle plaidoirie, n’eut pas de peine à démontrer le ridicule d’une sentence « digne des juges grossiers du 15e siècle », et, malgré les conclusions contraires de l’avocat général de Ruzé, il gagna son procès sur tous les points. Quelques autres causes, plaidées avec non moins d’éclat et dont l’énumération serait trop longue, achevèrent de le désigner à l’attention de ses concitoyens, et son cabinet fut encombré de clients. Vers cette époque, M. de Conzié le nomma juge au tribunal criminel de la ville ; mais, ayant eu à prononcer une condamnation à mort contre un assassin, il donna sa démission pour se vouer entièrement au barreau et aux lettres, qu’il aimait et dont la culture était son délassement favori. Il entra dans une société littéraire, connue sous le nom de société des Rosati, dont faisait partie Carnot, alors en garnison à Arras et avec qui il noua des relations d’amitié. Peu de temps après, il devint membre de l’académie d’Arras, aux travaux de laquelle il prit une part assidue. Quelques mois avant la révolution, elle l’appela à l’honneur d’être son président. Parmi les mémoires qu’il lut au sein de cette académie, il faut mentionner celui où il essaya de démontrer la prompte né-

  1. Il n’est pas de personnage qui ait été plus diversement apprécié que Robespierre. L’examen critique des différents systèmes admis jusqu’à ce jour n’étant pas possible dans un simple article biographique, nous avons dû nous contenter d’écrire sa vie, sans commentaires, d’après les sources originales et les documents authentiques. Toutes les biographies ont jusqu’ici donné inexactement les prénoms de Robespierre ; nous les avons rétablis d’après le registre aux baptêmes, mariages et sépultures de l’église paroissiale de la Madeleine pour l’année 1758, Arras.