Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 36.djvu/473

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La personne auprès de laquelle ils servaient, et qui les avait conservés dans sa maison après les avoir autorisés à se marier, étant morte sans enfants, laissa en mourant au jeune Roscoe la plus grande partie, sinon la totalité de sa fortune. Il ne paraît pas que ce bienfaiteur se soit beaucoup occupé de la première éducation de Roscoe, et toute l’ambition de son père se borna à lui faire apprendre l’écriture et l’arithmétique. À l’âge de seize ans, il fut placé par sa famille dans l’étude de M. Eyres, procureur à Liverpool. il n’y était que depuis très-peu de temps et avait déjà montré un talent assez remarquable pour la poésie, dans un élégant petit poëme intitulé Mount Pleasant, lorsqu’un de ses camarades s’étant vanté d’avoir lu le traité de Cicéron De amicitia et ayant parlé avec enthousiasme de l’élégance du style et de la noblesse des pensées de cette composition, Roscoe se la procura et, à l’aide d’un dictionnaire et d’une grammaire, parvint, après beaucoup d’efforts, à l’entendre assez bien. Ce succès l’encouragea, et il ne s’arrêta que lorsqu’il eut ainsi traduit les plus éminents des classiques latins, avec l’aide d’un homme fort instruit, M. Francis Holden, son ami. Roscoe s’attacha ensuite in l’étude des langues française et italienne, et sans le secours d’aucun maître, il ne tarda pas à les comprendre et à se rendre familiers les meilleurs auteurs de chacun de ces idiomes. Plus tard, il apprit le grec de la même manière. Les auteurs et surtout les poètes anglais faisaient aussi ses délices ; il les lisait et les relisait sans cesse. À l’expiration de son engagement avec M. Eyres, il devint associé de M. Aspirival, procureur de la même ville fort en crédit. Roscoe, sur lequel roulait tout le soin des nombreuses affaires de cette étude, s’acquitta de son emploi à la satisfaction de tous ses clients et acquit une connaissance étendue des lois de son pays, quoiqu’il ne négligeât cependant pas la littérature. Il se lia à cette époque avec le docteur Enfield, professeur à l’académie de Warrington, et avec le docteur Aikin, qui exerçait la profession de chirurgien à Liverpool, et fournit au premier, pour être insérée dans un recueil populaire intitulé l’orateur (the Speaker), une élégie sur la pitié. Au mois de décembre 1773, il récita devant une société choisie, formée à Liverpool pour l’encouragement du dessin et de la peinture et dont il était un des membres les plus actifs, une ode sur l’adulation, qui fut plus tard publiée avec son premier poëme, Mount Pleasant. et il fit dans cette institution un cours de lectures sur les sujets pour lesquels elle avait été créée. En 1788, année où la question de la traite des nègres commença à être vivement agitée, Roscoe s’éleva avec force contre ce honteux trafic dans des poèmes qui eurent beaucoup d’admirateurs, et dont le principal est intitulé les Malheurs injustes de l’Afrique (the Wrongs of Africa). La révolution française trouva en lui un zélé partisan, et il publia en faveur de sa cause plusieurs chants populaires et d’autres morceaux de poésie, parmi lesquels on distingue les Collines couvertes de vignobles (the Vine covered Hills) et Que les millions soient libres (Millions be Free). En même temps qu’il faisait paraître avec le docteur Currie, dans le Liverpool Weekly Herald, une série d’essais sous le titre du Recluse, Roscoe travaillait au grand ouvrage sur lequel est principalement établie sa réputation, la Vie de Laurent de Médicis, commencé en 1790 et terminé six ans après. Retiré à deux milles de Liverpool pendant tout le temps qu’il passa à le composer, Roscoe se rendait chaque jour à la ville pour suivre les affaires de son étude, et de retour à la campagne, il consacrait ses soirées à l’œuvre littéraire qu’il avait conçue. Ayant peu de livres à sa disposition, il était forcé de faire venir de Londres la majeure partie de ceux qu’il avait besoin de consulter. Mais son œuvre eût été bien incomplète s’il se fût borné à puiser seulement dans les sources ouvertes pour lui en Angleterre et alors peu abondantes. Par un heureux hasard, M. Clarke, banquier de Liverpool et son ami, était allé passer un hiver en Toscane, et, grâce à son zèle éclairé, le futur historien des Médicis obtint communication d’un grand nombre de manuscrits inédits existant à Florence et dans d’autres parties de l’Italie. À son retour en Angleterre, M. Clarke lui fournit de nouvelles et utiles informations, qui le mirent en état de composer la Vie de Laurent de Médicis, dont Roscoe dirigea lui-même l’impression et qui fut partout accueillie avec une grande faveur. On s’étonna de voir un homme qui n’avait point reçu une éducation littéraire, et dont tous les moments semblaient absorbés par la pratique des lois et la direction d’affaires contentieuses d’une haute importance, dans une ville de commerce éloignée du centre des lumières, où l’on n’entendait parler que de navires, de traite, d’esclaves et de marchandises, décrire l’origine et les progrès des beaux-arts en Italie à la renaissance du savoir, avec autant de sagacité et de finesse que de précision, avec l’esprit d’un poëte et la profondeur d’un historien. On admira le ton de candeur qui y règne partout, la manière noble et décente avec laquelle il discute et critique les opinions des écrivains qui l’avaient précédé dans la même carrière, son goût pur et éclairé, et son style aussi harmonieux qu’élevant. Mais on lui reprocha en même temps sa trop grande partialité pour son héros, le défaut d’ordre et la multiplicité des longues notes bibliographiques qui interrompent quelquefois le cours de la narration. Un an après l’apparition de son premier ouvrage historique (1797), Roscoe abandonna la profession de procureur pour se faire admettre à la société de Gray’s-Inn, dans l’intention de suivre le barreau comme avocat. Nous ignorons