Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 38.djvu/114

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ches ne sont pas également justes, et celui d’avoir dit qu’on fait du vin blanc en Égypte, quoique le P. Sicard ait assuré qu’il n’y a point de vignes, porte à faux, puisque Volney, Sonnini et Olivier conviennent que la vigne y est cultivée. Le savant Michaëlis, dans son Journal de littérature arabe, année 1786, en insistant sur quelques-uns des reproches faits par Deguignes, inculpe Savary de n’avoir cité Abou’l Feda que d’après l’édition et la traduction latine, données par lui (Michaëlis) et d’avoir même mal entendu latin[1] ; de n’avoir pas connu la prononciation de l’arabe vulgaire, d’avoir trop prodigué l’érudition (reproche singulier de la part d’un Allemand), d’avoir composé une compilation plutôt qu’une relation de ce qu’il avait vu. Il lui attribue enfin des erreurs habituelles de dates dans le calcul des années de l’hégire et dans la manière de compter les siècles. Cette critique affecta vivement Savary, qui joignait à une extrême sensibilité une santé délicate, que les voyages et les veilles avaient altérée. La publication du voyage de Volney, qui sembla prendre à tâche de contredire Savary à tort et à travers, acheva d’accabler ce dernier. Les chagrins rendirent très-malheureux les derniers moments de sa vie : il quitta sa famille et revint à Paris, où il mourut le 4 février 1788. 4° Les Lettres sur la Grèce, dont l’impression était commencée pendant la maladie de Savary, devaient compléter la relation de ses voyages. Il en parut, peu de mois après sa mort, un volume réimprimé depuis en 1798 ; traduit en allemand, Leipsick, 1788, et deux fois en anglais, 1788 ; mais la suite n’a jamais été publiée : l’auteur n’avait pas eu le temps d’y mettre la dernière main. Ces lettres, adressées à madame Lemonnier, se font lire avec intérêt, quoiqu’elles aient eu moins de succès que les lettres sur l’Égypte. 5° Les Amours d’Anas Eloujoud (l’homme accompli) et de Ouardi, conte traduit de l’arabe, Maestricht (Paris), 1789, in-18 ; traduit en allemand, Eisenach, 1790, in-8o. Garat, dans le Mercure du 1 août, dit de cet ouvrage qu’il « est très-intéressant, agréablement et élégamment écrit ». On doit regretter qu’une mort prématurée ait empêché Savary de publier en français un recueil de tous les romans arabes dont il s’était procuré les originaux pendant ses voyages. 6° Grammaire de la langue arabe vulgaire et littérale, Paris, 1813, in-4o. Cet ouvrage, composé en Égypte, fut présenté en 1784 au gouvernement français, qui en ordonna l’impression. Le manuscrit, étant resté jusqu’à la révolution à l’imprimerie royale, qui ne possédait pas alors de typographie arabe, fut réclamé par le docteur Lemonnier, qui le remit au frère de l’auteur. Celui-ci en ayant fait hommage au corps législatif, où il siégeait, le ministre Benezech en ordonna de nouveau l’impression en 1796. Langlès, invité à se charger de la correction des épreuves, en fut longtemps empêché par ses fonctions et ses travaux, et laissa perdre la grammaire de Savary l’avantage de l’antériorité à l’égard de la grammaire d’Herbin et de celle de Silvestre de Sacy, avec laquelle on ne saurait la comparer. Écrite en français et en latin, elle est plus utile pour l’arabe vulgaire que pour le littéral. La brièveté de la syntaxe y est compensée par de nombreux dialogues familiers, qui forment une des principales parties de l’ouvrage, auquel l’éditeur a ajouté es contes et des chansons arabes, traduits en français par des jeunes de langue. Savary s’était occupé aussi d’un dictionnaire arabe, qui n’a jamais vu le jour. A—T.


SAVARY (Jean-Julien-Marie), frère du précédent, naquit à Vitré le 18 novembre 1753 et mourut à Paris, âgé de 86 ans, le 27 décembre 1839. Après avoir fait ses études à Rennes, il fut reçu avocat au parlement de Paris en 1780. C’était à l’époque où son frère parcourait les îles de la Grèce et allait visiter l’Égypte. Savary, qui habitait l’Anjou, fut élu président du tribunal de district de Chollet, à la fin de 1790, et conserva cette fonction jusqu’au mois de mars 1793, date du soulèvement de cette partie des départements de l’ouest. Membre du conseil général du département de Maine-et-Loire et réfugié à Saumur avec plusieurs des fonctionnaires publics échappés au massacre, il fut nommé l’un des commissaires civils chargés d’organiser les moyens les plus efficaces de résister à l’insurrection. Cette mission fit honneur à Savary ; il rendit beaucoup de services, parce que, à une grande connaissance du pays et du genre tout particulier des populations, il joignait l’humanité et une grande fermeté de caractère. Aussi le général Canclaux s’empressa-t-il de l’appeler à son état-major et de rattacher à Kleber ; ils le tirent ensuite nommer adjudant général chef de brigade, le 5 novembre 1793. Deux ans plus tard (octobre 1795), le département de Maine-et-Loire le députa au conseil des Cinq-Cents. Sa carrière législative présente de nombreux travaux, dont la simple nomenclature occupe dans les tables du Moniteur l’équivalent de plus de deux pages in-8o. Tantôt comme rapporteur, tantôt comme simple orateur, Savary ne cessa de s’occuper des moyens les plus propres à mettre un terme aux troubles qui déchiraient encore les départements de l’Ouest. Il fit accorder des secours aux nombreux réfugiés chassés de leurs foyers ; il combattit la peine de mort appliquée à la simple désertion ; Il proposa l’agrandissement du Jardin des plantes et réclama de promptes mesures pour prévenir l’affaissement menaçant du Panthéon ; il sollicita en faveur des commissions militaires la faculté de

  1. Il lui reproche, par exemple, d’avoir confondu les mots latins olus, légume, et oleum, huile, en traduisant olitores, vendentes olus viride (marchands d’herbages) par marchands d’huile fraîche.