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du landgrave de Hesse-Cassel pour faire lever le siège de Wurzbourg et délivrer la Franconie. Le général Bannier, d’après les ordres d’Oxenstiern, empêcha cette jonction. Il en résulta la perte de Wurzbourg, de Philipsbourg et de Spire, ce qui força Bernard de quitter ses belles positions et de passer sur la rive gauche du Mein. Son premier soin fut de s’opposer à la construction d’un pont sur le Rhin, entrepris sous la protection du canon de Philipsbourg, et de reprendre Spire : il y parvint avec l’aide des maréchaux de la Force et de Brézé. Spire tomba dans ses mains le 21 mars. Mais aussitôt après cette reprise, les Français se retirèrent, les uns vers l’Alsace, pour faciliter la marche du duc de Rohan dans les Grisons, les autres vers la Lorraine, dont la possession les tentait, laissant à Bernard la garde des places sur les deux rives du Rhin. Le duc s’occupa de les ravitailler et de conserver le passage du fleuve. Mais il ne put empêcher qu’Augsbourg, Ulm, Cobourg et la majeure partie des États des alliés ne tombassent au pouvoir des Impériaux. Tourmenté de la crainte que le duc de Weimar ne cherchât à réintégrer la branche Ernestine dans la possession de l’électorat, Jean-Georges, électeur régnant, venait de signer le traité de Prague avec l’empereur Ferdinand II, et, à l’exception du landgrave de Hesse-Cassel, tous les princes protestants s’étaient empressés d’y accéder. Se voyant sans appui de cc côté, il songea à se rapprocher de la France et à écouter les propositions de Richelieu pour un corps auxiliaire et pour un subside sans lequel il n’aurait pu payer ses troupes. Ayant enfermé son infanterie dans les places de la rive gauche, et principalement à Mayence, il cantonna sa cavalerie près de Saarbruck et attendit, dans cette position avantageuse, la réponse du ministre de Louis XIII. Sa retraite avait laissé le passage du Rhin libre : l’ennemi en profita et le suivit. Ce fut alors que Richelieu sentit la nécessité d’envoyer au duc un secours considérable, qui lui fut conduit, en juillet, par le cardinal de la Valette. Au moyen de ce renfort, Bernard rejeta en peu de jours, et dans la plus grande confusion, le général impérial Gallas au delà du Rhin, et se retrancha avec le cardinal entre ce fleuve et le Mein, après avoir fait lever le siège de Mayence. Il voulait même s’assurer de Francfort. Les Impériaux s’en emparèrent par artifice, et cet événement renversa le dessein principal du duc, qui était de se joindre au landgrave de Hesse-Cassel, et avec son assistance de chasser Gallas de la haute Allemagne, et conséquemment de paralyser les effets de la paix de Prague, si nuisible à la cause des alliés et si funeste à sa maison. Le landgrave, avancé déjà dans la Wettéravie, prit prétexte de la reddition de Francfort pour refuser la jonction de ses troupes, fort désirée par les Français, qui lui faisaient les promesses les plus avantageuses.

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Ainsi fut perdue une belle occasion de réparer les désastres de la bataille de Nordlingen. Bernard se voyait trop faible, même avec le corps du cardinal la Valette, pour tenir tête à un ennemi nombreux. La disette et une maladie contagieuse menaçaient encore d’affaiblir son armée. Ayant appris vers ce temps que la Suède était près d’accepter la médiation du Danemarck pour négocier sa paix avec l’Empereur, il jugea bien qu’il n’y avait rien à espérer de l’Allemagne, résolut de s’allier plus étroitement au roi de France, et partit le 16 septembre de son camp, se dirigeant sera la Lorraine. Les Impériaux vinrent avec des forces supérieures lui barrer le passage près de Meisenhem, en sorte`gù il lui fallut prendre une nouvelle route dans un terrain montueux et difficile jusqu’à Vaudrevange, sur la Saar ; il arriva heureusement à Metz, le 28 septembre, après avoir vaincu tout à la fois la nature et Gallas. Jour et nuit, ce général le harcela dans sa marche, et toujours Bernard sortit victorieux de ses attaques. Cette retraite, l’une des plus belles opérations militaires du duc, le rehaussa beaucoup dans l’esprit des Français, dont un corps partagea sa gloire et ses périls et inspira même aux ennemis une haute estime pour lui (1)[1]. Après cette expédition, Bernard dépêcha son ministre Tobias de Poniskaw pour négocier un traité d’alliance et de subsides avec le roi de France. Par ce traité, signé à St-Germain en Laye le 26 octobre, le roi s’obligea de payer au duc quatre millions de livres pour l’entretien de 13.000 hommes d’infanterie et de 6.000 chevaux avec l’artillerie nécessaire ; afin de s’attacher de plus en plus le duc dans ce montent de défection générale, on lui promit le landgraviat d’Alsace et le gouvernement d’Haguenau pour être érigé en principauté d’Empire, reversible à sa postérité. Plusieurs articles du traité, rédigés d’une manière ambiguë, donnèrent lieu à diverses interprétations et à des difficultés des deux parts. Ce fut pour y remédier que le duc, après avoir fait prendre des quartiers d’hiver à son armée dans les environs du duché de Luxembourg, tint à Paris au mois de mars 1636. Il obtint que plusieurs stipulations fussent exprimées avec plus de clarté et de précision, s’entendit avec Richelieu sur la campagne qui allait s’ouvrir et pressa l’envoi de la solde. En concertant avec lui ses plans et en servant ses vues, il ne flattait cependant ni ce ministre ni ses favoris. Un jour que le P. Joseph lui montrait sur la carte les villes qu’il fallait prendre pendant cette campagne de 1636 : Tout cela serait bien, Père Joseph, dit Bernard, si on prenait les villes avec le bout du doigt. De retour à l’armée, il alla, de concert

  1. (1) Gallas lui-même en porta le jugement qui suit : « C’est, dit-il, la plus belle action que j’ai vue de ma vie ; et je n’aurais pu croire cette retraite véritable si je n’en avais été le témoin. » Voyez l’Histoire de Louis XIII par Barry, t. 3, p. 198.