Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 38.djvu/204

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naissances en architecture. On prétend même que ce dernier avait dirigé diverses constructions à Vicence et dans les environs, et qu’il est l’auteur de la Table raisonnée qui se trouve à la fin des Œuvres de Serlio. Cette table porte en effet son nom, mais tout donne lieu de croire qu'elle est l'ouvrage de son fils. Quoi qu'il en soit, c'est de lui que le jeune Vincent apprit l'architecture, et il n'avait encore que dix-sept ans lorsqu'il donna pour les comtes Oddi le dessin d’un palais qui, bien que non exécuté, lui fit le plus grand honneur. Mais ses véritables instituteurs furent les édifices que Palladio et le Sansovino élevaient alors dans Venise. Stimulé par la renommée de ces grands maîtres, il se rendit dans cette ville, étudia attentivement leurs travaux et conçut le projet téméraire de les surpasser. C'est surtout Palladio qu'il prit pour l'objet de son imitation, et il s’imagina l'emporter sur lui en en parlant d'une manière méprisante. Avant de quitter Vicence, il avait fait une étude spéciale et approfondie de Vitruve et de la perspective ; et il en avait si bien profité qu'il se sentit capable, quoiqu’il n’eût encore que vingt-deux ans, de composer un traité inédit en dix livres, intitulé De’ teatri e delle scene. Son mérite naissant n'échappa point aux chanoines de St-Sauveur, qui le chargèrent d'ouvrir des jours aux quatre lanternes de la coupole de leur église, dont l'obscurité était beaucoup trop grande. Pour se perfectionner dans son art, il se rendit à Rome en 1579, y étudia les mathématiques sous le P. Clavius, et y dessina avec exactitude, mais non sans les plus grandes fatigues, les restes les plus célèbres de l'antiquité, tels que le Colisée et les Thermes d'Antonin et de Dioclétien. II mit ensuite cet ouvrage au jour ; mais ce n’est pas un de ceux qui ont le plus contribué à sa renommée. Il passa ensuite à Naples, pour y étudier les beaux fragments d’antiquité que l’on voit dans cette ville et dans les environs. De retour à Venise en 1583, il s'y fixa et fut chargé par le sénateur Marc-Antoine Barbaro du tombeau du doge Nicolas da Ponte, qu'il érigea dans l'église de Ste-Marie de la Charité. C'est un monument qui peut soutenir le parallèle avec les plus célèbres de ce genre. Les applaudissements qu'il lui mérita le firent charger de l'achèvement de la Bibliothèque de St-Marc, commencée par le Sansovino. Il s’en tira avec honneur et y ajouta le Musée public qui la précède. Il fit un second voyage à Rome, à la suite des ambassadeurs vénitiens choisis pour aller féliciter le pape Sixte-Quint sur son exaltation. Il profita des diverses expériences d’une foule d’habiles architectes convoqués pour élever l'obélisque de la place du Vatican ; mais l’objet qui l’attirait plus particulièrement à Rome, c'était les restes de l'antiquité. Le désir de les étudier lui fit entreprendre jusqu'à quatre voyages dans cette ville. En 1585, il se rendit à Vicence à l’occasion du passage de l’impératrice Marie d'Autriche, pour diriger les fêtes destinées à célébrer la présence de cette princesse. On voulait jouer sur le théâtre olympique l’Œdipe de Sophocle. Scamozzi conduisit les travaux de la scène, et il obtint l’assentiment universel. Il donna, pour le grand pont de Rialto à Venise, deux projets, auxquels, malgré leur mérite, on préféra celui de Nicolas da Ponte. Il ne fut pas plus heureux pour l’église de la Celestia, qu’il avait commencée sur le modèle du Panthéon de Rome. À peine eut-il entrepris les premiers travaux qu’une intrigue de femmes fit tout abandonner. Il en fut dédommagé par Vespasien Gonzague, duc de Sabionetta, par ordre duquel il construisit à la manière antique un théâtre qui obtint le suffrage de tous les connaisseurs. C'est alors qu'il fut chargé de diriger les travaux de la fameuse forteresse de Palma, dans le Frioul, et, en 1593, il en posa la première pierre en présence des généraux vénitiens. 1l fut choisi pour terminer le Palais neuf des procurateurs, sur la prace de St-Marc. Il fit quelques changements à l’idée primitive du Sansovino, en ajoutant un troisième ordre, qui forme le second étage ; mais peut-être ne doit-on pas le féliciter de ce changement. Il ne put conduire cet édifice que jusqu'à l'angle de San-Geminiano. Ce fut Balthazar Langhena qui le termina sur les mêmes plans. Scamozzi avait cependant conçu le rojet d'un grand ouvrage dans lequel il voulait aire connaître le génie universel de l'architecture. 1l avait besoin pour l’exécuter de prendre des renseignements nombreux dans les pays au delà des Alpes. Il profita de l'envoi des ambassadeurs vénitiens expédiés, en 1600, à l'Empereur par la république de Venise, pour visiter la France, la Lorraine, l'Allemagne et la Hongrie. Enrichi d'une multitude de documents, il revint à Venise, où il fut chargé de tant de travaux qu'il ne pouvait y suffire. Il serait trop long de citer tous les édifices, tant publics que particuliers, qui lui furent confiés dans cette ville, ainsi qu'à Vicence. À Venise, sur le grand canal, il construisit le palais Cornaro; près de Lonigo, il éleva pour les Pisani un Casin de forme carrée avec une rotonde au milieu. On trouve quelques défauts dans les fenêtres du Casin qu’il fit pour le cardinal Cornaro près de Castel-Franco, dans un endroit appelé le Paradis. On estime davantage celui qu’il bâtit dans les environs de Padoue pour Molino. On vante beaucoup le palais Trissino, aujourd'hui de Trente, qu'il éleva dans sa ville natale, sur un terrain fort resserré, mais dont l’idée est pleine de grandeur. Ce palais, voisin de la cathédrale, ne doit pas être confondu avec un autre palais Trissino sur le Cours, qui est également son ouvrage et dont le mérite n'est pas moins grand. À Villaverla, sur la route qui conduit à Tiene, il dessina un superbe bâtiment pour les comtes Verlati. 11 fut obligé d'aller à Florence pour y diriger les travaux du palais Strozzi, dont il avait fait le second plan; et à