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de Bacchus et de Messaline. On peut du moins citer, sans blesser la pudeur, la prédiction qui concerne Louis XVIII : « Il périra cet égoïste insensé et avaricieux ; il disparaîtra cet homme trop faible pour être vertueux, et trop lâche pour être criminel. Rien n’arrêtera son nom sur l’aile des siècles futurs. Aussitôt que sa masse pesante et méprisable rentrera dans la poussière, on doutera s’il exista jamais : Qui vécut sans vertu, périra tout entier. » Le comte d’Artois (depuis Charles X) est rangé parmi les scélérats. Les injures sont exécrables, comme les imputations sont infâmes. Mais les fureurs du libelliste s’attachent, avec plus de violence encore, au duc d’Orléans, accusé d’avoir voulu empoisonner le roi, et qui est peint, ainsi que Mirabeau, sous des couleurs que le temps n’a pas toutes effacées. Cet horrible libelle, où l’assemblée constituante est traitée avec un grand mépris, est terminé par une requête au roi, pour qu’il fasse dépouiller, par la main du bourreau, le duc d’Orteans des marques de son rang et des titres de sa naissance, qu’il soit ensuite livré à la fureur de quatre chevaux, que sa langue soit arrachée, et que son corps, mis en morceaux, soit jeté en pâture aux chiens affamés. C’est ainsi qu’on faisait parler Bergasse, qui n’eut pas besoin de désavouer une des premières infamies de la presse dans la révolution. — Il siégeait alors à l’assemblée nationale, ayant été nommé député du tiers état par la sénéchaussée de Lyon. D’abord il parut devoir prendre une part active aux travaux législatifs. Il soutint l’opinion de Sieyes sur la dénomination à adopter pour les communes. Il présenta ensuite avec Chapelier un projet d’adresse au roi, sur la constitution de l’assemblée, et fut invité a le refondre avec celui de Barnave. Nommé membre du comité de constitution, il fit, en son nom, un rapport sur l’organisation du pouvoir judiciaire, suivi du projet de constitution des tribunaux (1789, in-8o de 64 p.). Il fit imprimer un Discours sur la manière dont il convient de limiter le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif dans uns monarchie (1789, in-8o, de 98 p.). Ce discours, que la clôture de la discussion empêcha de prononcer, avait été composé à l’occasion des grandes questions qui furent agitée : dans l’assemblée, sur la permanence du corps législatif, sur son organisation en une ou deux chambres sur la sanction royale, etc. Mois déjà l’on voit que Bergasse trouve trop rapide le mouvement dans lequel il est entré, et qu’il s’était peut-être flatté de diriger ou de maîtriser ; il annonce qu’il publie son discours contenant des idées qui n’ont point été développées dans les débats, parce que « l’assemblée ne peut que décréter provisoirement une constitution, et que c’est à la nation seule à prononcer en dernier ressort sur les avantages ou les désavantages de celle qu’elle lui présentera. » Il se plaint de la fermentation dans laquelle, dit-il, on nous fait exister. Il espère que, quand il sera libre à toutes les pensées de se développer, on trouvera convenable revenir sur ses pas. « Alors, dit-il, le moment des opinions modérées, les seules qui puissent amener une liberté véritable, sera décidément venu. » Mais, en attendant, il prévoit que ses idées seront rejetées avec une censure amère. Bergasse veut un corps législatif perpétuellement existant, divisé en deux chambres, dont la composition serait essentiellement différente, et qui tiendrait une session chaque année. Le prince ne pourra ni proposer ni rédiger la loi, et la proposition et la rédaction en appartiendront exclusivement au corps législatif. Aucune loi néanmoins ne pourra être exécutée qu’autant qu’elle aura obtenu le consentement libre du prince. Ainsi Bergasse, qui s’attendait à une censure amère, comme resté trop en arrière dans le mouvement des esprits, enlevait cependant au roi le droit de proposition et de rédaction de la loi, droit qui devait appartenir exclusivement au corps législatif. L’assemblée nationale venait de décréter, contre l’avis de la pluralité des membres du comité de constitution, que le corps législatif serait constitué en une assemblée unique, et que le consentement libre du prince ne serait pas nécessaire pour la promulgation de la loi. Ce décret détermina la démission de Bergasse, de Monnier et de Lally-Tolendal ; ils cessèrent de faire partie du comité de constitution, et ne tardèrent pas à se retirer de l’assemblée. Bergasse s’était chargé, dans le comité de constitution, des municipalités, et avait annoncé, sur leur organisation, un grand travail qu’il ne parait pas avoir exécuté. Après les événements des 5 et 6 octobre, il ne reparut plus à l’assemblée nationale. Ce fut à l’occasion de ces fatales journées qu’il publia un Discours sur les crimes et les tribunaux de haute trahison (1789, in-8o de 46 p.). Il l’annonça comme suite à son discours sur l’organisation du pouvoir judiciaire, et, à la fin, il fit connaître sa résolution de refuser son serment à la constitution. Il déclara que tout homme éclairé devait plutôt faire le serment d’empêcher, de toutes les forces de son intelligence, l’établissement et le maintien de cette constitution, « afin que l’ancien despotisme ne reparut pas sous une forme nouvelle, et qu’une autre espèce de servitude ne remplaçât pas les moments trop courts de la liberté. » Vers cette époque parut sa Lettre relative au serment de la constitution, 1790, in-8o, et sa Lettre à M. Dinochau, auteur du Courrier de Meudon, 1790, in-8o. Retiré de l’assemblée, Bergasse continua d’écrire. Il publia une brochure intitulée : de la Liberté du commerce, 1789, in-8o, et dans le mois’de novembre, des Recherches sur le commerce, les banques et les finances (in-8° de 99 p.). Il traite dans cet écrit de la richesse des nations, de l’intérèt, de l’impôt, de l’emprunt, des banques d’Amsterdam et de Londres, de la caisse d’escompte, du papier monnaie, de la régénération du commerce et des finances ; il se prononce contre l’établissement d’une banque nationale qui ne ferait, dit-il, qu’accroître les maux qu’a produits la caisse d’escompte, et il est d’avis qu’il faut renoncer absolument à toute institution de cette nature. Quant à la création du papier-monnaie, il la regarde comme l’institution la plus absurde et la plus dangereuse. Au mois d’avril 1790, il fit imprimer sa Protestation contre les assignats-monnaie (in—8° de 45 p.). Les assignats n’eurent pas de plus terrible adversaire. Il