Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 4.djvu/488

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âges, des événements de tous les genres, depuis les plus libres et les plus gais, jusqu’aux plus touchants et aux plus tragiques. Il y donna d’ailleurs des modèles de toutes les sortes d’éloquence, et porta sa langue à un point de perfection inconnu jusqu’à lui. Depuis plus de trois siècles, ou ne cesse de le réimprimer et de le relire :on en cite plus de cent éditions ; quelle critique peut tenir contre une pareille réponse ? Pour bien apprécier quelques-unes de ces éditions, il faut connaître, au moins en gros, les vicissitudes singulières que l’ouvrage a éprouvées. Les libertés de toute espèce qu’on y trouve circulèrent sans obstacle, en manuscrit, pendant plus d’un siècle ; imprimées, depuis 1470, date de la première édition, jusqu’à la fin du 15e siècle, et pendant plus de soixante années du 16e. Elles firent enfin prohiber le livre par deux papes, Paul IV et Pie IV, plus scrupuleux que leurs vingt-cinq ou vingt-six prédécesseurs. Deux grands-ducs de Toscane, Cosme Ier et François Ier, s’entremirent l’un après l’autre auprès de deux autres papes, Pie V et Grégoire XIII ; des académiciens furent chargés de réformer le Décaméron ; de grandes corrections et suppressions furent faites ; des éditions ainsi amendées parurent ; mais il fallut revenir aux anciennes, et les éditions complètes prirent si bien le dessus, et se multiplièrent tellement depuis la fin du 16e siècle qu’il fallut laisser aller les choses, et qu’on ne parla plus ni de prohibition ni de réforme. L’édition la plus rare et la plus chère est celle des Junte, Florence, 1527, in-4° (1). On en a fait une contrefaçon ou une copie exacte à Venise, en 1729, qui porte à la fin, comme l’autre, le nom de Florence et la date de 1527, mais que l’on distingue à des signes connus des bibliographes. Les curieux doivent avoir aussi l’édition corrigée par les académiciens de Florence, d’après les ordres du grand-duc, et approuvée par le pape Grégoire XIII, pour y voir d’un côté l’état où l’on avait mis ce chef-d’œuvre, et, de l’autre, les restes encore assez forts des anciennes libertés qui y sont revêtues de l’approbation pontificale ; elle parut à Florence, chez les Junte, 1573, in-4°. L’édition de Salviati, qui fut chargé d’une nouvelle réforme, Venise, 1584, in-4°, est aussi bonne à avoir par les mêmes motifs. De plus, dans ces deux éditions réformées, le texte de toute la partie qui a été respectée est d’une extrême pureté. Celle des Elzévirs, Amsterdam, 1665, in-12, conforme a l’édition de 1527, est encore justement recherchée, ainsi que quelques-unes de Londres, et celle de Paris en 3 vol., petit in-12, 1768 ; enfin quelques autres plus récentes, dont les unes ont le mérite d’un texte pur, les autres d’une belle exécution, quelques-unes tous les deux ensemble. On ne finirait pas si l’on voulait citer les traductions du Décaméron, faites en espagnol, anglais, allemand, etc. Nous en avons plusieurs en français ; la plus ancienne est celle de Laurens du Premierfait, Paris, en caractères gothiques, in-fol., sans date, réimprimée à Paris, 1521, in-fol., et 1531, in-8°, traduction infidèle dans tous les sens, et dans laquelle on paraît s'être plu à travestir l'original. Antoine le Maçon en fit une seconde qu'il dédia à la reine de Navarre, Marguerite de France, Paris, 1543 et 1545, in-fol., 1548, in8°, 1697, in-16, 2 vol. Les passages les plus vifs du texte y étaient fidèlement traduits. Ils furent ou adoucis ou retranchés dans les éditions postérieures, Lyon, 1552, in-12, 1558, in-16 ; Paris1559, 1569, in-8° . Londres (Paris), 1757, 5 vol. in-8°, belle édit. (2). Il y en a une troisième sans nom d'auteur, avec des figures de Romain, de Hooge, Amsterdam, 1697 et 1699, 2 vol. in-8° ; Cologne, 1702 et 1712, in-12 ; mais cette traduction, annoncée comme accommodée au goût de ce temps, est d'un goût à être trouvé mauvais dans tous les temps. Il y a des traductions plus récentes ; les unes abrégées, les autres corrigées, d'autres prétendues fidèles, tantôt avec des gravures, tantôt privées de ce luxe qui n'est pas la vraie richesse. La douzième est celle de l'abbé Sabatier de Castres, Paris, 1779, in-12, 10 vol. ; ibid., 1783 (3). Je ne parle point des imitations que notre bon la Fontaine en a faites dans ses contes ; il y a souvent rajouté des détails plus libres que ceux de l'original même, et il a malheureusement contribué à donner, du Décaméron entier, l'idée fausse ou exagérée qu'on s'en forme communément (4). G-É

BOCCADIFERR0 (Louis), Noble polonais, né vers l'an 1482, fut reçu docteur en philosophie et en médecine, obtint dans l’université de sa patrie une chaire de logique, et ensuite celle de philosophie en général. Ses leçons y attiraient un grand concours d'auditeurs, et étaient ordinairement suivies des plus vifs applaudissements. Il eut des élèves célèbres, entre autres, Jules-César Scaliger, François Piccolimini et Benedetto Varchi. Le cardinal Pirro Gonzaga, qui l'aimait, le conduisit, en 1522, à Rome, ou il enseigna pendant cinq ans la philosophie péripatéticienne dans le collège de la Sapience. Léon X et Clément VII eurent pour lui beaucoup d'estime. Sous ce dernier pape, quand Rome eut été saccagée par l'armée de l'Empereur, il alla reprendre à Bologne sa chaire de philosophie.

(1) Cette édition de 1527 est la plus recherchée des amateurs, et coûte jusqu’à 600 francs ; mais celle de Venise, Valdarfer, 1471, in-fol., est beaucoup plus rare, étant la plus ancienne qui porte une date ; des bibliomanes l’estiment jusqu’à 3.000 francs.

(2) Avec 111 fig. dessinées par Gravelot. Une belle édition du Décaméron est celle du professeur A. Ceruiti, Paris, 1823, 5 vol. in-32. Biagioli a laissé manuscrit Boccacio con un commento istorico et litterario, publié en 5 vol. in-8°, atlas de 15 feuilles. D—R—R

(3) Cette traduction porte le titre de Contes. Une nouvelle édition en a été donnée sous le titre de Décaméron, augmentée de tous les contes, nouvelles et fabliaux imités de Boccace par la Fontaine, Passerat, Vergier, Perrault, Dorat, Imbert et autres, enrichie de recherches historiques sur les principaux personnages que Boccace a mis en scène, et sur les usages civils, politiques et religieux observés dans le siècle où il vivait. Paris, 1802, 11 vol. in-18, avec 153 fig. Cette traduction n'est autre que celle d'Antoine le Maçon retouchée. On doit encore une traduction du même ouvrage, sous le titre de Nouvelles, à J.-B. Mirabeau, Paris, 1802, 4 vol. in 8°, ornés de figures gravées sous la direction de Ponce, d'après les dessins de Marillier. D—R—R

(4) On a publié plusieurs fois les œuvres choisies de Boccace : Novelle scelte dal Decamerone ad uso della gioventù, coll' accento di prosodia, Avignon et Paris, 1820, in-18. — Novelle scelte ed altre prose, publicate da A. Bultura, Paris, 1823, in-32, faisant partie de la Biblitoteca di prose italiane. D—R—R