Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 4.djvu/609

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thélemy pour le changement de la loi des élections (5 février 1817), Boissy s’éleva avec force contre cette proposition, qu’il jugeait dangereuse pour la liberté. Il poursuivit encore de sa vive indignation la loterie et les jeux publics, et il les dénonça sous la monarchie comme il l’avait fait sous la république. À la suite de son rapport sur le droit d’aubaine et de détraction, ce vestige de la barbarie des anciens temps fut aboli. Il profita de l’amitié qui l’unissait au duc de Richelieu pour demander le rappel de plusieurs députés de la convention dont il estimait le caractère, et qui, par une interprétation trop sévère de la loi du 6 janvier 1816, avaient été exilés du sol français. Le 12 janvier, il exposa, dans une longue lettre au duc de Richelieu, que quarante-six membres de la convention avaient été injustement exceptés de la loi d’amnistie comme ayant voté la mort de Louis XVI, puisque ce vote, qui était conditionnel, n’avait point compté pour l’application de la peine. Mais il fut décidé, dans le conseil des ministres, que ceux qui avaient prononcé le mot de mort, quoique leur vote n’eût point compté, seraient regardés comme régicides. Cependant, quelque temps après, plus heureux dans ses nouvelles instances, Boissy obtint la levée de l’exil pour plusieurs conventionnels, même pour un de ses anciens collègues, qui avait beaucoup contribué à sa proscription au 18 fructidor ; et lorsque ce député rentré demanda à lui porter l’expression de sa reconnaissance, il lui fit dire : « Je sens, et je me le reproche, que je n’ai pas encore assez de philosophie pour lui pardonner entièrement le mal qu’il a voulu me faire ; j’ai été assez heureux pour lui être utile : je le remercie de sa visite. Le monde est assez grand pour nous contenir éloignés l’un de l’autre. » ― En 1819, le ministre de l’intérieur ayant formé auprès de lui un conseil choisi parmi les calvinistes et les luthériens, pour en recevoir des renseignements sur tout ce qui pourrait intéresser ces deux communions, nomma membres de ce conseil, le comte de Boissy d’Anglas, ainsi que le marquis de Jaucourt, MM. Guizot, Benj. Delessert, le lieutenant général Maurice Matthieu, etc. ― Le calme des esprits et les loisirs que laissaient, sous la restauration, les débats parlementaires, avaient ramené Boissy d’Anglas à la culture des lettres. Il fit imprimer en 1819 son Essai sur la vie, les écrits et les opinions de M. de Malesherbes, adressé à mes enfants (Paris, 2 parties in-8o) ; et, en 1821, il ajouta à cet ouvrage une troisième partie avec ce second titre : Supplément contenant une réponse à la Biographie universelle. Le comte Boissy, mécontent de l’article MALESHERBES, inséré dans la Biographie universelle, attaqua vivement non-seulement l’article, mais aussi ce grand ouvrage dont cependant il était un des souscripteurs, un des lecteurs les plus assidus ; mais il eut le malheur d’être seul de son avis, comme il avait eu celui de se voir désavouer par le petit-fils de Malesherbes ... « Une réclamamation, dit-il, s’est élevée.... hélas ! elle est sortie d’une bouche de laquelle on n’aurait pas dû l’attendre : tout offensante qu’elle ait pu être pour

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moi, le respect que je dois ... m’a prescrit de mettre dans ma réplique autant de modération que de brièveté ; » mais il s’écarta de cette modération et de cette brièveté en attaquant l’article de la Biographie. Cet article ne resta pas sans défense dans les journaux. La brochure de Boissy fut sévèrement jugée ; on reprocha à l’auteur de traiter le biographe qui n’était pas du même avis que lui avec un ton de hauteur qu’on aurait eu peine à tolérer dans le 15e siècle, même chez un pair de France. » On fit cette observation que la presque totalité des trois volumes semblait destinée à faire connaître au monde que Boissy d’Anglas fut en correspondance avec Malesherbes, et que ce grand homme eut de l’estime pour lui ... On remarqua encore qu’admirateur enthousiaste de Malesherbes, Boissy d’Anglas avait gardé le silence dans le procès de Louis XVI, au lieu d’unir sa voix à celle de son héros, de son ami, et de partager son glorieux danger, son noble et courageux dévouement, qui est si fidèlement retracé dans la Biographie universelle. Le titre modeste d’Essai sur la vie de Malesherbes ne permet guère de juger avec sévérité cet ouvrage sous le rapport littéraire ; c’est un recueil de faits, d’opinions qu’on peut ne pas adopter, de sentiments toujours honorables, et une collection de documents pour l’histoire : c’est enfin l’œuvre d’un homme de conscience ; mais Malesherbes attend encore un historien. ― Dans ses loisirs, le noble pair réunit et publia les Études littéraires et poétiques d’un vieillard, ou Recueil de divers écrits en vers et en prose, Paris, 1823. 6 vol. in-12, qu’il fit imprimer à Coulommiers, et qu’il dédia au comte de Ségur, son ami et son collègue à l’Institut et à la chambre des pairs. Les deux premiers volumes contiennent deux poèmes : Bougival (maison de campagne de l’auteur, presque en face de la machine de Marly), et la Bienfaisance, eu 2 chants (1)[1], suivis d’un très grand nombre de notes et éclaircissements ; plus, une épître adressée à Laharpe en 1784, et une autre à J. Pieyre (1786), aussi avec notes et éclaircissements. Le 5e volume se compose de notices historiques sur Vincent de Paul, la Rochefoucauld, la Bruyère, Massillon, Fontenelle, St-Lambert, Laharpe, Florian (2)[2], Rabaut de St-Étienne, Servan, d’Éprémesnil, Baron du Soleil, Beaumarchais. Plusieurs de ces notices avaient été composées pour la Galerie française. On trouve dans les autres volumes des notices sur Etienne Montgolfier, Bailly, Duclos ; le discours prononcé aux funérailles de Ste-Croix (1809), et une Réclamation contre les maisons de jeux de hasard, adressée à la chambre des pairs, et qui avait été déjà imprimée séparément (juillet 1822, in-8o). Les trois derniers volumes contiennent les Fragments d’une histoire de la littérature française au 18e siècle, dédiés à M. de Jouy, en échange de la dédicace que ce dernier lui avait

(1) La notice sur Florian avait paru en 1820, à la tête d’un recueil des lettres écrites par Florian à Boissy d’Anglas, dont il fut l’ami, Paris, Renouard, 4 vol. in-18 de 67 p.

(2) Un épisode de ce poème : Cange, ou le Commissionnaire de St-Lazare, fut imprimé séparément, Paris, 1825, in-8o.


  1. (1) La notice sur Florian avait paru en 1820, à la tête d’un recueil des lettres écrites par Florian à Boissy d’Anglas, dont il fut l’ami, Paris, Renouard, 4 vol. in-18 de 67 p.
  2. (2) Un épisode de ce poème : Cange, ou le Commissionnaire de St-Lazare, fut imprimé séparément, Paris, 1825, in-8o.