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cissements. Les femmes étaient admises à ces exercices de piété, mais elles ne pouvaient pas y prendre part directement ; elles étaient même soustraites à la vue du reste de l’auditoire. On appelait ces réunions des collèges de piété. Pendant l’espace de douze ans, ces collèges de piété subsistèrent sans donner lieu à des plaintes. L’époque de leur dégénération est celle oû, à la demande de plusieurs personnes des hautes classes de la société, on en étendit le cercle en les transférant dans une église. Les abus augmentèrent lorsqu’à l’exemple de la société de Francfort, il se forma des assemblées pareilles à Essen, à Schweinfurth, à Augsbourg et dans d’autres villes, quelquefois sans le concours des ecclésiastiques. Les pasteurs et les magistrats commencèrent à s’en inquiéter, et il s’éleva de tout côté des plaintes, sur lesquelles Spener n’eut pas de peine à se justifier. Poursuivant sans relâche le but qu’il s’était proposé, de corriger les mœurs de ses contemporains, il publia, en 1673, un livre intitulé Pia desideria, dans lequel il démontra la nécessité d’une réforme générale dans tous les états de la société, en s’arrêtant particulièrement aux ecclésiastiques dont les études n’étaient dirigées que pour faire briller les prédicateurs dans des disputes religieuses. Cet ouvrage n’était ni une satire ni une invective contre le siècle : c’étaient, comme le titre l’annonçait, les pieux désirs d’un homme de bien, qui pratiquait lui-même ce qu’il demandait aux autres. Ne se contentant pas de signaler le mal, il proposa les moyens de le guérir, et tout le reste de sa vie fut consacré à exécuter le plan de réforme qu’il avait médité. Il corrigea les mœurs et la doctrine, non qu’il touchàt au système de croyance qu’il trouva établi ; mais il changea la méthode d’enseignement, et, sans abolir les prédications, il sut les rendre utiles, en y joignant des leçons plus populaires. Malgré le grand nombre d’ouvrages de théologie et d’instruction religieuse qu’il publia pendant son séjour à Francfort, il trouva encore le temps de donner suite à des travaux d’une autre espèce, pour lesquels il avait pris du goût dans sa jeunesse. Le premier volume de son grand ouvrage généalogique sur les familles nobles européennes parut en 1668. Quoique imparfait, cet écrit fit époque. Ce fut depuis 1668 jusqu’en 1690 que Spener mit au jour les trois ouvrages par lesquels il devint le fondateur de la science héraldique en Allemagne. L’érudition dont ils sont pleins, la sagacité et la critique avec lesquelles une foule de questions historiques y sont discutées donnent encore aujourd’hui une grande valeur à ces compositions. Jean-Georges, électeur de Saxe, qui, dans ses campagnes, avait connu Spener, voulut l’attirer à son service. Avec la simplicité et la candeur qui le caractérisaient, Spener mit par écrit les motifs qui paraissaient lui imposer le devoir d’accepter ses propositions et ceux qui devaient

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le retenir à Francfort à la tète de son troupeau. Le sénat de Francfort, auquel il soumit cette espèce de consultation, ayant refusé de prononcer, Spener nomma un jury composé de cinq ecclésiastiques distingués, qu’il rendit arbitres de son sort. Ils déclarèrent qu’ils reconnaissaient le doigt de Dieu dans la détermination de l’électeur, le réformateur pouvant être plus utile sur ce nouveau théâtre qu’à Francfort. En conséquence, il accepta, en 1686, la place de prédicateur de la cour de Dresde, de confesseur de l’électeur et de membre du consistoire suprême. Il continua alors de travailler, par des écrits, des sermons et surtout par des instructions, à la réforme qu’il se croyait appelé à opérer ; mais, pendant son séjour à Dresde, il fut enveloppé dans deux disputes religieuses, dont l’une n’est pas sans importance pour l’histoire ecclésiastique, et l’autre a rendu Spener, bien malgré lui, chef de secte et presque hérésiarque. En contradiction avec le principe fondamental du protestantisme, qui exclut toute autorité en matière de religion (excepté la Bible), les luthériens d’Allemagne, pour maintenir une certaine conformité de doctrine, se sont vus obligés d’avoir recours à quelques formulaires, qu’ils appellent livres symboliques, parce qu’ils renferment leur croyance commune. Un pasteur de Hambourg s’avisa, en 1690, d’augmenter le nombre de ces symboles, en invitant quelques-uns de ses collègues à signer des reservales, par lesquelles ils s’engageaient sous serment à s’opposer à tous les novateurs, principalement aux adhérents de Jacques Boehm (voy. BŒHM) et aux chiliastes ou millenaires. Cette formule était indirectement dirigée contre Spener, qui penchait pour le mysticisme et pour l’opinion des millenaires. La prétention de quelques pasteurs d’imposer à leurs coreligionnaires un nouveau symbole était contraire à l’esprit du protestantisme et aux droits des gouvernements. Spener s’y opposa par un ouvrage qu’il publia, en 1691, sous le titre d’Indépendance des chrétiens de toute autorité humaine en matière de foi. La dispute de Spener avec les théologiens de Hambourg a contribué à répandre les principes de tolérance, en établissant la maxime que la liberté que les protestants se sont arrogée en matière de foi ne leur permet pas de condamner des opinions qui s’écartent de celles du plus grand nombre. La seconde dispute était plus personnelle à Spener. En vertu de sa charge, il exerçait une inspection sur les facultés de théologie des universités de Wittemberg et de Leipsick. Il s’était efforcé d’y changer l’enseignement, en engageant les professeurs à s’occuper de préférence de l’exégèse ou de l’interprétation des saintes Ecritures. D’après ses exhortations, quelques jeunes docteurs ou mettre ès arts de Leipsick instituèrent, en 1689, des cours bibliques, dans lesquels ces livres étaient interprétés en allemand, de manière qu’on s’attachait prin-