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poir, ajoute-t-il, que son dévouement à Napoléon « sera bientôt aussi pur, aussi entier qu’il l’était pour les Bourbons ». Mais cette lettre, bien que regrettable, ne saurait sembler suffisante pour autoriser une telle imputation. Ce qu’il y a de certain, c’est que les dispositions favorables de Carnot n’existaient point dans les hautes régions du pouvoir. Une note hostile à Vaublanc fut insérée dans le Moniteur, et un aide de camp du ministre de la guerre partit pour Metz, avec ordre de s’assurer de sa personne. Informé à temps, Vaublanc sortit furtivement de la préfecture, monta sur un cheval tout sellé qu’on tenait à sa disposition, et se rendit à Luxembourg, où il fut accueilli avec beaucoup d’égards par les chefs de l’armée autrichienne. Il partit ensuite pour Gand, où s’était retiré Louis XVIII. Vaublanc prédit à ce monarque qu’il serait de retour à Paris avant deux mois, et il lui remit plusieurs mémoires sur la situation intérieure de la France. Il rentra à sa suite, après la chute du gouvernement impérial, et fut nommé successivement conseiller d’État, puis préfet des Bouches-du-Rhône. Vaublanc inaugura son arrivée à Marseille par un acte de courage et d’humanité. Cinq à six cents individus, signalés comme bonapartistes ou révolutionnaires, étaient détenus dans les prisons, et l’autorité n’osait les mettre en liberté, dans la crainte de les exposer aux violences populaires. Vaublanc prononça leur libération en présence des principaux fonctionnaires du département, et cette mesure, hardie dans les circonstances, s’accomplit sans le moindre désordre. Le nouveau préfet se fit également remarquer par l’énergie pleine de dignité avec laquelle il résista aux prétentions inconsidérées des troupes étrangères. Lorsque Louis XVIII put rompre avec le ministère que le parti révolutionnaire lui avait imposé par l’entremise des alliés, il appela (25 septembre) à la tête de son conseil le duc de Richelieu, avec le portefeuille des affaires étrangères, et confia celui de l’intérieur au comte de Vaublanc. Ce choix, qui lui fut inspiré surtout par Monsieur, comte d’Artois, fit naître d’assez vives répulsions dans le parti constitutionnel, et M. de Richelieu donna, dit-on, l’ordre de surseoir à l’expédition de la dépêche qui mandait à Paris le nouvel élu ; mais il était trop tard[1], et Vaublanc, accouru sans perdre de temps, prit possession de son portefeuille. Des dissentiments très-vifs ne tardèrent pas à éclater au sein de ce cabinet, dont les vues politiques étaient loin d’être homogènes. Le comte de Vaublanc et le duc de Feltre, ministre de la guerre, marchaient ouvertement dans le sens de la chambre des députés ; le duc de Richelieu, influencé par les insinuations de Poazo di Borgo et du parti constitutionnel, ne s’avançait qu’avec une extrême réserve sur un terrain qui lui était imparfaitement connu, et M. Decazes commençait il pratiquer cette politique mobile et indécise qui ne cessa depuis lors de le rendre suspect au parti royaliste. Le comte de Vaublanc fit preuve d’une grande activité dans son administration ; mais toutes les mesures dont il en marqua le cours n’exercèrent pas une influence également heureuse sur l’opinion publique. On lui reproche d’avoir réorganisé l’Institut sur des bases tout à fait arbitraires, pour en éloigner ceux de ses membres qui s’étaient compromis dans les cent jours par leur conduite ou leurs discours, et pour leur substituer des hommes plus connus par leur dévouement au gouvernement royal que par leurs titres scientifiques. Cet acte d’absolutisme n’empêcha pas que Vaublanc ne fût élu plus tard membre libre de l’Académie des beaux-arts, dont il avait exclu le conventionnel David. On lui fit également un grief d’avoir licencié l’école polytechnique, dont les élèves, par la turbulence de leurs opinions politiques et l’indiscipline de leur conduite, donnaient de l’ombrage au gouvernement. Mais cette mesure n’eut qu’un effet temporaire : l’école, licenciée le 13 avril 1816, fut réorganisée le L septembre suivant. Le premier discours que Vaublanc prononça à la chambre des députés eut pour objet la défense du projet de loi sur la liberté individuelle ; on y remarqua le passage suivant, qui excita de vifs applaudissements : « L’immense majorité de la France veut son roi… Ces acclamations sont universelles en France, » reprit l’orateur, « mais il se trouve une minorité factieuse, ennemie d’elle-même, qui ne peut vivre que dans le trouble : c’est cette minorité si faible et pourtant si dangereuse, qu’il faut surveiller sans relâche et comprimer par de fortes lois. » La correspondance politique de Vaublanc avec les préfets était en tout point conforme à son langage. Il ne cessait de leur prêcher l’action, et Louis XVIII appelait son dévouement un dévouement à perdre haleine. Remarquons toutefois que l’esprit de réaction dont Vaublanc se constituait ainsi l’apôtre le plus déclaré fut exempt de toute animosité personnelle, et que, à la différence de quelques autres, il ne déshonora par aucune passion haineuse ou vindicative l’ardeur de ses sentiments royalistes. Lors de la discussion de la loi d’amnistie, il contribua à faire limiter le nombre des prescriptions et à préserver de la confiscation les biens des régicides et des fauteurs du 20 mars. On a fait la remarque que. pendant toute la durée de son administration, ce ministre si ardemment noté comme réactionnaire par le parti libéral ne déplaça que vingt-deux préfets. Vaublanc fut moins heureux dans la suite de sa carrière législative, et ne conserva de crédit sur la chambre des députés que par l’appui de Monsieur, qu’il avait fait placer à la tête des gardes nationales de

  1. Histoire de la restauration, par un homme d’État, t. 3, p.136