Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 44.djvu/17

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exemptes les provinces de ses frères. Le mécontentement éclata bientôt a l’occasion d’une violence exercée par la reine. Vladislas étant à la chasse s’écarta de sa suite ; la nuit étant survenue, il fut obligé de s’arrêter dans la forêt pour y passer la nuit, n’ayant à côté de lui que le comte Pierre, un des premiers seigneurs de la cour. Comme celui-ci, couché par terre, se plaignait d’avoir trouvé un si mauvais gite : " Soyez tranquille, lui dit le roi en riant, la comtesse n’en est que mieux couchée dans les bras du comte Skrzyn." — " Et la reine, reprit vivement le comte, ne trouve pas non plus le temps long avec son bon ami Dobiesz." Le roi, piqué au vif, fit à son retour de sanglants reproches à la reine ; elle se disculpa si facilement que le faible mari l’autorisa à se venger ; et Dobiesz fut chargé d’exécuter cette vengeance. Il enleva lui-même le comte Pierre au milieu des fêtes que donnait ce seigneur, à Breslau, pour le mariage de sa fille, et l’ayant amené à la cour, il lui fit crever les yeux et arracher la langue par ordre de la reine. À la nouvelle de cet acte de cruauté, indignation fut générale en Pologne, et le palatinat de Sendomir donna l’exemple de la révolte. Cependant Vladislas avait réussi à dépouiller deux de ses frères. Les évêques du royaume écrivirent au pape Eugénie III, le priant d’ordonner à Vladislas de rendre à ces princes leurs apanages. Le pape était alors occupé de la croisade qu’il faisait prêcher par St-Bernard. et il paraît qu’il ne donna point de réponse. L’empereur Conrad, partant pour la terre sainte, instruit de ce qui se passait en Pologne, recommanda vivement Vladislas, et surtout la reine Agnès, sa parente, au cardinal légat (1147). Les princes polonais s’étant réfugiés à Posen, Vladislas vint mettre le siège devant cette ville. Les évêques du royaume écrivirent de nouveau au pape, qui excommunia la reine, comme auteur des maux qui affligeaient la Pologne. L’archevêque de Gnesne sortit de la ville assiégée pour faire à Vladislas des représentations qui furent rejetées. Alors le prélat prononça contre lui, en présence de l’armée, la sentence d’excommunication, ce qui fit une vive impression sur les soldats. Les provinces se soulevèrent ; Vladislas attaqué, battu dans son camp, se sauva à Cracovie. L’armée des princes l’y suivit ; laissant dans la ville sa femme et ses enfants, il alla demander des secours en Bohème. Cracovie se rendit, et les princes, craignant que la reine Agnès ne fût immolée à la haine générale, se hâtèrent de la faire conduire en Allemagne avec ses enfants. Sur les instances de l’empereur Conrad, revenu de la terre sainte, le pape envoya en Pologne un légat qui se contenta de demander que les provinces échues à Vladislas lui fussent restituées, pour les posséder comme fief de la couronne, laquelle resterait à Boleslas, élu par la nation polonaise. Ces propositions ayant été rejetées, le légat excommunia les princes et leurs conseillers, ordonnant au clergé de fermer les églises. Les évêques du royaume déclarèrent qu’ils regardaient cette excommunication comme nulle, et qu’ils n’y auraient aucun égard (1149). L’empereur indiqua une diète à laquelle comparut Vladislas, avec son épouse ; ce prince demandait qu’on le rétablit, s’engageant à reconnaître le chef de l’empire pour son seigneur suzerain. Deux députations que Conrad fit partir pour la Pologne ne purent rien obtenir, et le pape, à sa prière, envoya de nouveau son cardinal légat, qui réitéra la sentence d’excommunication et d’interdit, si l’on refusait de rétablir Vladislas (1150). Cette menace ayant été vaine, Conrad se mit en marche vers l’Oder, pour faire respecter ses décisions. Boleslas alla le trouver : il lui exposa combien son frère était haï, lui fit des présents, des promesses ; et l’empereur rentra en Allemagne. Frédéric Barberousse, successeur de Conrad, tenant une diète à Wurtzbourg (1156), Vladislas vint l’y conjurer de la reconduire en Pologne. L’empereur, après quelques propositions, marcha sur l’Oder, qu’il traversa à la tête d’une armée nombreuse. Boleslas, n’étant point en mesure se soumit à des conditions très-dures ; on assure même qu’il alla nu-pieds et le glaive sur la tête demander pardon. Il donna de l’argent, remit Casimir son frère et d’autres seigneurs comme otages ; mais Vladislas ne fut point rétabli, et ce malheureux prince mourut dans l’exil, en 1163. Son fils aîné s’étant distingué en Italie, l’empereur demanda pour lui et pour ses deux frères une portions des domaines que Vladislas leur père avait possédés. Boleslas. qui désirait la paix, céda la Silésie, qui, partagée entre les trois frères, resta, depuis cette époque séparée du royaume de Pologne.

G—v.


VLADISLAS III, surnommé Laskonogi, à cause de la longueur et de la maigreur de ses jambes, succéda à son père Mieczyslas, dit le Vieux, dans le duché de Posen, et fut élu, en 1203, duc de Cracovie et chef de la monarchie polonaise. Avant d’accepter, il consulta Leszko, qui lui paraissait avoir des droits à l’autorité souveraine, ayant été reconnu roi à la mort de son père Casimir. Leszko, qui n’avait que quinze ans, répondit fièrement qu’il s’était retiré pour le bien de la paix, et qu’il préférait l’union dans la famille régnante à tous ses avantages personnels. Romain, duc de Halicz, vassal de Leszko, instruit de ce qui se passait, se révolta contre son souverain et entra dans le duché de Sendomir. Une bataille sanglante fdt livrée à Zawichost, le 19 juin 1205 ; les Russes furent battus ; Romain resta sur la place, et le jeune Leszko se couvrit de gloire. Vladislas, son compétiteur, se livrant à la fougue de son caractère, avait par ses violences révolté la nation. Les grands du royaume se rassemblèrent à Cracovie, d’où ils envoyèrent a Vladislas pour lui annoncer qu’ils ne le reconnaissaient plus pour leur souverain ; et, sur leurs