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au persan moderne ? Telle a été longtemps l’unique ressource des savants ; et l’on a eu à choisir entre l’étymologie hébraïque de Bochart, qui, s’étayant du passage de Diogène Laërce, mais changeant άστροθύτηζ en άστροθεάτηζ (contemplateur des astres), s’imagina que le mot zend venait de chouro-aster (il a contemplé les étoiles), et les quatre étymologies persanes que Hyde donne d’après le syrien Bar Bahloul. Jexeira, Ferdousi et le consul anglais aux Indes, Henri Lloyd (Histoire de la religion des anciens Perses, p. 154 de la traduction française). Selon ce dernier, Zerdoust signifie ami du feu. Telle est effectivement la traduction des mots persans modernes Ader-doust. Mais nous ne voyons pas quel rapport ces mots ont avec Zerdoust, et surtout avec Zérétochtro. Au reste cette opinion a longtemps été presque généralement admise faute de mieux, et elle se trouve consignée tant dans Hottinger (Hist. orientale, 2’édit., p. 586) que dans la Bibliothèque orientale de d’Herbelot, p. 931, art. Zoroastre. Nous ne parlons point de celle du P. Kirker, citée par Stanley (Hist. philosoph., édit. de Leipsick, 1711, p. 1111), ni de celle de Stanley lui-même. Toutes ces erreurs provenaient de l’ignorance où l’on était de la langue zende, dont le nom était à peine connu d’un grand nombre de savants. Mais quand, avec le Zend-Avesta, les presses françaises eurent publié un vocabulaire zend, dès lors les nuages commencèrent à s’éclaircir. Anquetil (Vie de Zoroastre, t. 1er, 2e part. du Zend-Avesta. p. 4) fut le premier à indiquer comme éléments du nom en litige les mots zends zéré ou zer, d’or, et techtré, astre dont l’éloge se trouve dans les Iechts, n° 87, où on le nomme distributeur de la pluie, et qui n’est autre que Sirius. Dans la suite, Herder a appelé plus spécialement l’attention sur cette étoile, une des quatre qui sont préposées à la surveillance des cieux et qui président aux myriades d’étoiles créées par Ormuzd au commencement du monde ; et enfin Rhode, dans son grand ouvrage, Die heilige Sage, etc., a montré des rapports symboliques et mythiques incontestables entre cette étoile et le législateur religieux auquel elle a donné son nom. Nous y reviendrons plus tard. Pour l’instant, il est une chose prouvée, c’est que la dénomination de Zoroastre n’est pas un de ces noms propres qui n’offrent point de sens ou qui désignent exclusivement des êtres humains. Primitivement et dans la langue usuelle c’est l’étoile de Sirius, dite par excellence l’étoile d’or, à cause de son éclatante splendeur. Au reste, sur cette première question, on peut consulter encore Plutarque, De anímant. general. in Tim., p. 124, édit. Wyttenb. ; Reinesius, In Suidam, éd. Ch.-G. Müller, p. 103 et suiv. ; Toup, Epist.. ad Suid., p. 137, édit. de Leipsick. Abordons maintenant le second sujet de discussion : A-t-il existé un homme du nom de Zoroastre ? Il est certain que la solu-


tion de la précédente question fournit un argument en faveur de la négative, et que ceux qui veulent voir dans les mythes, les symboles, les cérémonies et les personnages religieux des personnifications d’éléments astronomiques ne manqueront pas de faire trophée d’une conclusion qui voit dans le nom d’un prophète célèbre le nom d’un astre. Mais cette joie est prématurée. D’abord, et en thèse générale, en admettant les relations perpétuelles, exactes, incontestables entre les systèmes astronomiques et religieux, est-il évident que les noms des étoiles et des constellations soient antérieurs à ceux des personnages homonymes ? et Zéréthochtro, par exemple, vient-il de Zéré-Techtré, plutôt que Zéré-Techtré de Zéréthochtro ? Certes, ce n’est point à la simple inspection des noms qu’on peut décider ce point ; et si, dans le cas actuel, il arrive que nous donnions la priorité chronologique à l’étoile sur l’homme qui en porte le nom, ce ne sera point en vertu de ce principe vrai dans quelques occasions, mais ridicule dans sa généralité, que tout fondateur ou réformateur de religion est un être imaginaire et n’a qu’une réalité astronomique. On nous demandera peut-être comment, supposé que Zoroastre ait existé, il peut se faire qu’il y ait une connexion si singulière entre le sens de son nom et le rôle qu’il joue dans l’Iran. D’abord cette connexion n’est que médiocrement singulière, et nous voyons souvent les rois, les grands ou les sages de la Perse porter des noms où entrent comme éléments des idées de soleil, de lumière, d’astre, de pureté ou de force. C’est ainsi que les Grecs, adorateurs de Jupiter, d’Apollon et de Mercure, commençaient souvent leurs noms par les syllabes Hermo…, Apollo…, Dio…, et quelquefois le hasard faisait que ces noms convenaient parfaitement à leur profession, à leur caractère ou aux circonstances saillantes de leur vie. Ne pourrait-on point aussi soupçonner que le mot de Zoroastre, comme ceux de Pharaon, d’Emir, de Schah, est moins un nom propre qu’une dignité ? Cette dignité fut peut-être hiérarchique ou même mythique, ainsi que pourrait l’indiquer le titre d’Helius (on sait qu’en grec Ήλιοζ veut dire soleil), donné dans les mithriaques à une classe d’initiés. Enfin, et cette opinion est celle à laquelle nous devons nous arrêter, il est extrêmement probable que notre législateur ne porta point originairement le nom sous lequel il se rendit si célèbre, mais qu’il s’en revêtit dans le temps où il se préparait à opérer la rénovation religieuse de l’Iran. Grégorio dit formellement que son nom véritable était Mog, assertion que certes nous n’adoptons pas, et qui peut-être n’a d’autre fondement que la ressemblance des syllabes mog et mag ; mais cela prouve clairement que, dès les temps anciens, on avait soupçonné que Zoroastre n’est point le premier nom du réformateur. Peut-être fut-ce quelque