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s’en édifièrent, les autres s’en scandalisèrent. S’il se fùt contenté d’attaquer les abus, qui oserait le blàmer maintenant ? Mais il mit beaucoup d’aigreur dans ses attaques ; et, en outre, il s’éleva contre des pratiques vénérables, avec une amertume sans excuse. Il jugeait sévèrement : il fut jugé de même. Les esprits s’animèrent ; et il en naquit des tempêtes. Du reste, il se fit remarquer par une conduite très-régulière. Il fit chasser de la ville par les magistrats toutes les filles publiques. Vers ce temps-là, Léon X envoya le cordelier Bernard Samson dans les treize cantons, pour y prêcher les indulgences, dont le produit était destiné à l’achèvement de la magnifique basilique de St-Pierre. Ce religieux dehonté ne craignit pas d’user de toutes sortes de supercheries pour tromper ses auditeurs. Il porta l’insolence à un point inconcevable. Quand il paraissait en public, il faisait crier à haute voix : Laissez approcher d’abord les riches, qui peurent acheter le pardon de leur : péchés ; après les avoir satisfaits, on écoulera les prières du pauvre. Tant d’excès indignèrent les plus patients. L’évêque de Constance défendit aux curés de son diocèse de le recevoir dans leurs paroisses. Presque tous obéirent ; mais aucun ne mit autant d’ardeur dans son obéissance que le curé de Zurich. Il avait prévenu les désirs du prélat : il les avait même dépassés. En 1520, Zwingli renonce à la pension qu’il recevait du St-Siège, et obtint du conseil de Zurich qu’on prêcherait purement l’Évangile dans le canton. L’ambition de Charles-Quint et de François I. qui se disputaient la couronne impériale, fournit à Zwingli l’occasion de développer de nouveau ses talents. Les deux compétiteurs s’efforcèrent d’intéresser la confédération helvétique en leur faveur. Zwingli était d’avis de garder la plus stricte neutralité ; et il s’en expliqua ouvertement. Lorsque les deux rivaux se furent déclaré la guerre, Zwingli, qui penchait pour la France, détourna le canton de Zurich de se joindre aux autres cantons ; ce qui lui attira la haine des personnages les plus marquants de la confédération, et lui enleva plusieurs partisans dans sa propre paroisse. Bientôt il engagea le conseil de Zurich à refuser au pape un secours de troupes que le saint-père demandait pour attaquer le Milanais ; et ce ne fut qu’après a promesse formelle d’employer ailleurs les Suisses que Léon X put obtenir trois mille Zurichois. La sagesse des avis de Zwingli fut manifestée par l’événement. Cependant son aversion pour une nouvelle alliance avec François l" lui lit le plus grand tort dans l’esprit de beaucoup de personnes, qui ne furent pas fâchées de pouvoir confondre dans la même haine ses principes politiques et ses opinions religieuses. Le Un mai 1522, Zwingli adressa une allocution très-éloquente aux habitants de Schwitz, que la défaite de la Bicoque, commune à tous les cantons, excepté celui de Zurich, avait portés à réfléchir sur ZWI 653»

la position fâcheuse dans laquelle ils se trouvaient engagés et sur les moyens d’en sortir : « Ah l leur disait-il à la fin, si vous avez encore « soin de votre ancienne gloire, si vous vous « souvenez de vos ancêtres et des périls qu’ils « ont bravés pour la défense de leur liberté, si « le salut de la patrie vous est cher, repoussez les 1 funestes dons de quelques princes ambitieux ; u repoussez-les, tandis qu’il en est temps encore. « Ne vous laissez pas tromper par les promesses a des uns ; ne vous laissez pas effrayer par les « menaces des autres. Imitez vos alliés de Zurich, 1 qui par des lois sages et sévères ont arrêté les « débordements de l’ambition. Si vous vous joignez à eux, bientôt la Suisse entière suivra « votre exemple, et reviendra à la conduite sage « et modérée de ses aïeux (1). » Quoique cette allocution soit plus conforme aux règles de la morale qu’à celles de la politique, les habitants du canton de Schwitz l’accueillirent favorablement. Ils chargèrent le secrétaire d’État d’exprimer leur reconnaissance à Zwingli ; et peu de temps après ils firent une loi dans leur assemblée générale pour abolir toute alliance et tout subside durant vingt-cinq ans. Pendant le carême de cette même année 1522, quelques personnes attachées à la nouvelle doctrine avaient enfreint publiquement l’abstinence et le jeûne ; le magistrat les fit mettre en prison, et refusa de les écouter. Zwingli entreprit de les justifier, dans un Traité sur l'observation du carême, qu’il terminait en priant les hommes versés dans l’intelligence des Écritures de le réfuter, s’ils croyaient qu’il avait fait violence au : em de l’Évangile. Cet ouvrage fut comme un manifeste de la part de Zwingli. Il jeta l’alarme parmi les ecclésiastiques et tous ceux qui étaient dévoués à l’Église catholique. L’évêque de Constance, pressé par ses propres craintes, et par de nombreuses sollicitations. adressa un mandement à ses diocésains, pour les prémunir contre la séduction. Il écrivit en même temps au conseil de Zurich, qui ne répondit pas de manière à le satisfaire ; et au chapitre de la même ville, qui permit à Zwingli de se défendre par un traité publié le 22 août 1522, dans lequel il établissait : « que l’Évangile seul est une autorité irrécusable, à laquelle « il faut recourir pour terminer les incertitudes, « et décider toutes les disputes, et que les décisions de l’Église ne peuvent être obligatoires « qu’autant qu’elles sont fondées sur l’Évangile.» Voici comment il conclut : « Je vais vous apprendre maintenant quel est le christianisme que « je professe, et que vous cherchez à rendre « suspect. Il commande à chacun d’obéir aux « lois et de respecter les magistrats, de payer le « tribut et les impositions à qui il appartient, de u ne rivaliser qu’en bienfaisance, d’user de support, de soulager le pauvre, de partager les (1) Zwínglii oper., t. l".