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partie dans la récente controverse suscitée sur ce point par un grammairien [1]. 9° Le Nouveau Code conjugal, établi sur les bases de la constitution, ibid., 1792, in-8o. Cet ouvrage est annoncé en 5 parties ; mais il n’en a paru que la 1re. Voici quelques-unes des idées de l’auteur. Les célibataires sont exclus de tous les emplois publics, à moins qu’ils ne deviennent pères par l’adoption. L’âge des mariages est fixé à quinze ans pour les garçons et à treize pour les filles. Le père ne peut épouser sa fille, ni la mère son fils, afin d’arriver sans violence à la division des héritages. Les époux répondent au magistrat qui vient de déclarer leur union : Vive la liberté ! vive la nation ! (p. 559). Le mari peut répudier sa femme, mais seulement pour cause de libertinage ; et la femme peut demander le divorce si son mari devient fou et se rend coupable de désordre extrême. Avant de le prononcer, le juge de paix doit faire observer aux époux qu’il n’y a point d’homme ni de femme sans défauts, que le plus beau ciel à ses orages, etc. 10° Poésies, ibid., 1795, in-8o. Aux Essais lyriques dont on a déjà parlé, Bonneville a réuni dans ce volume tous les vers qu’il avait composés depuis la révolution. Un assez grand nombre sont au moins singuliers, tels que celui-ci tiré du Druide :

Satan !... c’est le monarque en tranches découpé.

Parmi les pièces nouvelles, la plus remarquable est le Poëte, où Bonneville déplore dans une suite de chants quelquefois barbares, mais souvent énergiques, les excès de la révolution. C’est ainsi que dans le 8° il décrit, avec une rare vigueur de pinceau, la réunion où furent décidés les massacres des prisonniers :

Là, septembre, en panache, assemble ses ministres,
Et s’y fait applaudir de projets plus sinistres
Que les plans de Caligula ;
L’enfer n’est plus l’enfer : tous les démons sont là.

11° Hymne des combats, ibid., 1797, in-8o. Outre quelques traductions de l’anglais de Thom. Payne [2] et un assez grand nombre de pamphlets anonymes, on doit à Bonneville plusieurs articles dans les journaux, particulièrement dans le Mercure, et depuis la révolution, dans la Chronique du mois [3]. Il a laissé en manuscrit un Nouveau Système de prononciation anglaise pour les mots homophones ; et les Forêts des Gaules, poème [4]. W—s.


BONNIER D’ARCQ (Ange-Élisabeth-Louis-Antoine), était, lors de la révolution, président à la chambre des comptes de Montpellier où il était né en 1750, et fut nommé successivement député du département de l’Hérault, à l’assemblée législative, où il se fit peu remarquer, et à la convention, où il vota la mort de Louis XVI. Employé par le directoire dans la diplomatie, il assista, en septembre 1797, aux conférences tenues sans succès à Lille avec lord Malmesbury. Au mois de novembre suivant, il passa au congrès de Rastadt, d’abord avec Roberjot et Treilhard : mais ce dernier ayant été élu directeur au mois de mai suivant, Jean de Bry lui succéda, et Bonnier se trouva à la tête de l’ambassade. Le directoire avait formellement enjoint aux envoyés français de déclarer dans leurs conversations particulières avec tous les membres de la députation de l’Empire, et spécialement avec celui de Mayence, que la république française ne continuerait à accorder une prolongation d’armistice à l’Empire que dans le cas où celui-ci ne mettrait aucune opposition à ce que les troupes françaises entrassent dans Mayence ; d’éviter toute espèce d’explication la-dessus avec les envoyés du roi de Prusse ; enfin, de ne faire aucun acte officiel sur cet objet, au congrès, que dans le cas où la députation de l’Empire les préviendrait ; en un mot, toutes les instructions du directoire n’étaient qu’une suite de déceptions calculées sur la menace de la rupture de l’armistice pour en venir à l’occupation ou plutôt à la surprise de Mayence, et Bonnier ne sut que trop bien accomplir son mandat. Toutefois, après plusieurs mois de négociations, la pacification de l’Empire paraissait avoir franchi les plus grandes difficultés, lorsqu’on exigea du congrès la démolition d’Ehrenbreistein ; le directoire, sans égard pour l’armistice, resserra le blocus de cette place dans l’espoir que la famine la ferait tomber entre ses mains avant la conclusion de la paix. Dans un entretien qui eut lieu, à ce sujet, le 14 octobre 1798, (entre le comte de Metternich et Bonnier, le ministre de l’Empereur lit observer que le ravitaillement d’Ebrenbreistein n’aurait jamais dû rencontrer de difficultés, et que le gouvernement français agirait contrairement aux principes de justice et d’équité, s’il s’opposait à ce ravitaillement au moment d’un rapprochement très-prononcé. « Que l’Empereur fasse la paix, répondit Bonnier, et alors les bases convenues seront pleinement exécutées. La république française vient de fournir la preuve de ses bonnes intentions et de la loyauté de sa conduite, les ordres étant donnés pour la marche rétrograde des troupes françaises sur la rive droite du Rhin, à l’effet de soulager le pays, de manière que tout dépend de la conclusion de la paix. La république a fait de grands sacrifices pour atteindre ce but, mais elle a besoin de maintenir sa dignité et sa considération politique, principe dont on ne s’écartera jamais. » Metternich reprit en disant « que ce même principe était commun a tous les gouvernements, et qu’on ne pouvait s’empêcher de faire franchement l’observation que c’était parti-


  1. « Mon Esprit des religions, dit Bonneville, est le germe de vingt ouvrages classiques dans le sens de la révolution, et j’aime à croire que le bon Jean-Jacques, qui avait un cœur, n’eut pas dédaigné d’en être l'auteur, et qu’il ajouterait à sa gloire.» C’est dans son Adresse aux véritables amis de la liberté (1791, p. 11) que Bonneville s’exprimait ainsi avec l’amour-propre le plus candide. V-ve.
  2. Madame de Bonneville, dépositaire des papiers de Thomas Payne, avait commencé, en lm, la rédaction d’une vie de cet écrivain, qu’elle se proposait de publier. V-ve.
  3. C’est des presses de Bonneville que sortirent le Système du monde, de Laplace, et les Leçons de l’École normale. V—ve.
  4. Ces manuscrits sont entre les mains de sa veuve, qui, en 1835, est allée joindre ses deux enfants aux États-Unis. L’aîné des fils de Bonneville est un des officiers les plus distingués de l’armée américaine ; il a été chargé par le gouvernement d’une mission importante pour la civilisation des peuplades indigènes. V—ve.