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Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 6.djvu/356

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homme de vingt-trois ans pouvait avoir été si loin. Il portait l’esprit géométrique dans la philosophie que et dans la théologie même, dont il voulait réformer le langage et traiter les propositions à la manière d’Euclide, son auteur favori. Au premier examen qu’il eut à subir, il avait gagné tous les suffrages, lorsque le vice-chancelier, vieux docteur habitué aux subtilités de l’ancienne école, s’avisa de faire au candidat une de ces questions futiles dont on commençait à se moquer. La Caille répondit avec une franchise si imprudente, que le vieux pédant irrité voulait lui faire refuser le titre de maître és-arts, qu’il ne lui conféra que de mauvaise grâce et sur les réclamations des autres examinateurs. Cette injustice tourna au profit des sciences ; car la Caille, averti par ce désagrément des obstacles qu’il pourrait rencontrer dans cette carrière, prit le parti de se borner au diaconat qu’il venait de recevoir, et de renoncer totalement à la théologie. Fouchy le présenta à Jacques Cassini, qui l’accueillit et lui donna un logement à l’observatoire. Maraldi le prit en amitié, et, dès l’année suivante, ils firent ensemble la description géographique des côtes de la France, depuis Nantes jusqu’à Bayonne. L’exactitude et l’habileté qu’il montra dans ces opérations le firent trouver digne d’être associé a la vérification de la méridienne, dont on commençait à s’occuper. On voit par ses manuscrits originaux, conservés à l’observatoire, qu’il entreprit ce grand ouvrage le 30 avril 1739, et que, dans la même année, il avait achevé tous les triangles depuis Paris jusqu’à Perpignan, mesuré les bases de Bourges, de Rodez et d’Arles, observé les azimuts et les distances des étoiles au zénith à Bourges, Rodès et Perpignan, et qu’il avait pris la plus grande part à la mesure du degré de longitude qui se termine au port de Cette. Pendant le rigoureux hiver de 1740, il étendit ses triangles sur les principales montagnes d’Auvergne, pour joindre à la méridienne une nouvelle base qui venait d’être mesurée près de Riom. L’objet de cette excursion était de se procurer un moyen de plus pour éclaircir les doutes qu’il avait conçus sur la base de Juvisy, mesurée par Picard en 1669. Il avait reconnu et démontré que cette base était trop longue d’un millième, d’où il résultait que la toise dont Picard se servait était au moins d’une ligne plus courte que la toise de l’académie. Cette assertion, si longtemps contestée, fut prouvée avec évidence par les travaux de deux commissions nommées par l’académie pour vérifier cette base, et l’adversaire le plus opiniâtre de la Caille fut obligé de se ranger à son avis. En son absence et sur sa réputation, il renait d’être nommé, par le docteur Robbe, à la chaire de mathématiques du collége Mazarin, et ces nouvelles fonctions retardèrent jusqu’à l’automne la continuation de la méridienne dans la partie du nord. La Caille la termina en quelques mois, pendant lesquels il mesura encore deux bases, et fit toutes les observations astronomiques à Paris et à Dunkerque. À son retour, il se livra aux calculs qu’entraînait une si longue opération, et, par la comparaison des différents ares qu’il avait mesurés ; il démontra que les degrés allaient en croissant de l’équateur vers le pôle : conclusion diamétralement opposée à celle qui résultait de l’ancienne mesure. Ses traités de géométrie, de mécanique, d’astronomie et d’optique, qui se succédèrent en peu d’années, prouvent avec quelle assiduité il remplissait ses fonctions de professeur ; ses éphémérides et les nombreux et importants mémoires qu’il publia dans les volumes de l’académie des sciences, ses calculs d’éclipses pour dix-huit cents ans, insérés dans la 4e édition de l’Art de vérifier les dates, prouvent avec quelle ardeur il poursuivait ses travaux astronomiques. « Il avait entrepris la vérification des catalogues d’étoiles. Les lunettes méridiennes étaient presque inconnues en France, et celles qu’il avait pu voir ne lui inspirant que peu de confiance, il s’attacha à la méthode des hauteurs correspondantes, qu’il regardait comme la seule qui put lui assurer l’exactitude à laquelle il aspirait. Dés l’an 1746, il était en possession d’un observatoire construit tout exprès pour lui au collége Mazarin, observatoire conservé précieusement depuis par Lalande, et qui a été détruit a l’instant même qui aurait du plus que jamais en assurer l’existence, c’est-à-dire au temps où ce collège fut disposé pour recevoir l’institut impérial, qui n’eut malheureusement aucune connaissance des plans de l’architecte. Fidèle à la méthode pénible qu’il avait cru devoir préférer, pendant quatorze ans, la Caille passa les jours et les nuits à observer le soleil, les planètes et surtout les étoiles, pour rectifier les catalogues et les tables astronomiques. On lui avait abandonné les deux secteurs de six pieds avec lesquels il avait vérifié la méridienne de France. Curieux de connaître et de vérifier les étoiles australes qui ne se lèvent jamais sur l’horizon de Paris, il forma le projet d’un voyage au cap de Bonne-Espérance : il vit aussitôt tout le parti qu’il pourrait tirer de ce déplacement pour la parallaxe de la lune, celle de Vénus et de Mars, et enfin pour les réfractions. Il répandit en Europe une feuille d’impression par laquelle il donnait avis de ses projets aux astronomes qui pouvaient le seconder. Ce fut à cette occasion que Lalande, âgé de dix-neuf ans, fut envoyé à Berlin, qui est, à fort peu de chose prés, sur le même méridien que le Cap. Cette conquête astronomique, qui exigea quatre années de voyages ou de travaux, coûta au gouvernement, pour l’astronome et un horloger qui s’était joint à lui et pour tous les frais de construction et d’instruments, une somme de 0,144 livres 5 sous, dont la Caille, à son retour, rendit un compte si scrupuleux, qu’il étonna, dit-on, les agents du trésor royal. À son arrivée au Cap, il crut pendant quelque temps l’objet de son voyage manqué. Lorsque le vent de sud-est, si fréquent sur ces parages, venait ai souffler, tous les astres paraissaient dans une agitation continuelle ; les étoiles prenaient la figure et les apparences des comètes, et la violence du vent ébranlait et les instruments et l’observatoire. Pour obvier en partie à ces inconvénients, il se bornait le plus souvent à des lunettes