Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 7.djvu/387

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Brantome, qu’ils estoient en leurs goguettes et gauderies, ils vinrent à dire audit comte, quand il serolt roy, quels états il leur donneroit... M. de Montmorenci dit qu’il voudrait un jour fort estre et connétable ; Brion dit qu’il voudroit estre amiral, et Montchenu premier maistre d’hostel. Selon le a souhait faict, au bout de quelque temps, le roy les « pourvut tous trois, et les apointa desdits états. n Après l’évasion du connétable de Bourbon, François Ier, qui était à Lyon, craignant qu’il n’éclatât quelque sédition dans Paris, se hâta d’y envoyer la reine et les princes ses fils, comme gages de son affection, et Philippe de Chabot, pour expliquer au parlement et à l’hôtel de ville la trahison du connétable et la conduite de son maître. Cette mission eut le plus heureux succès. En 1521, Chabot se jeta, avec deux cents lances et 5,000 fantassins italiens, dans la ville de Marseille, qu’assiégeaient Pescaire et Bourbon, avec l’armée de Charles-Quint, qui fut obligée de lever le siège. En 1325, Chabot eut le malheur d’opiner, avec Bonivet, pour la bataille de Pavie. Il se battit en brave, et fut fait prisonnier, et Il y fit si bien, dit Brantôme, que le roy lui donna la charge d’amiral. » Bonivet l’avait laissée vacante en cherchant et trouvant la mort dans les champs de Pavie. En 1529, François Ier chargea l’amiral Chabot de se rendre en Italie, pour y faire ratifier par Charles-Quint le traité de Cambrai. Il rappela les Français et les Italiens qui tenaient encore une partie du royaume de Naples, et fit évacuer par les Vénitiens les cinq ports de la Pouille. En 1555, il fut chargé du commandement en chef dans la guerre contre le duc de Savoie. Il s’empara de Chambéri, de Montmélian, et de presque tout le Piémont ; Turin lui ouvrit ses portes. Il assiégeait le duc dans Verceil, lorsqu’il se laissa persuader par le cardinal de Lorraine, qui allait négocier la paix à Rome, de ne pas poursuivre ses succès. Le cardinal ne lui avait montré aucun ordre a cet égard, et l’amiral fit une faute dont François Ier conserva toujours le souvenir. Chabot eut le malheur de venir se mêler aux intrigues de la cour. Elle était partagée entre le dauphin, qui périt par le poison, en 1656, et le duc d’Orléans son frère, qui régna dans la suite sous le nom de Henri II. Le connétable, réuni à Diane de Poitiers, était chef du parti du dauphin ; l’amiral, allié à la duchesse d’Étampes, était à la tête du parti du duc d’Orléans. Les deux chefs commencèrent par se craindre, et finirent par se haïr. Chabot était le seul gentilhomme de France qui traitât d’égal à égal avec le superbe connétable ; et, tandis que le chancelier et les cardinaux lui donnaient le titre de monseigneur, l’amiral continuait de l’appeler, comme aux jours de leur éducation commune, bon compagnon et mon frère. Lorsqu’en 1511, François Ier résolut de faire rechercher juridiquement ceux qui s’étaient enrichis aux dépens de l’État, le faste de Chabot fournit au connétable l’occasion qu’il cherchait de le perdre, Il présenta au roi des cahiers d’informations qu’il avait fait recueillir en Bourgogne et dans différents ports de mer. Le chancelier Poyet, après les avoir lus, déclara qu’ils contenaient la preuve de vingt-cinq délits emportant la peine capitale. Chabot osa parler au roi avec trop de fierté ; il fut arrêté et constitué prisonnier au château de Melun. Une commission, composée de maîtres des requêtes et de magistrats pris dans des cours souveraines, fut chargée de le juger ; le chancelier, vendu au connétable, présida la commission. Toutes les accusations se réduisaient à 088 deux chefs, que Pamiral avait, de son autorité, hausse à son profit les droits perçus sur la peche du hareng, et que, dans son gouvernement de Bourgogne, il s’était approprié certains droits réservés pour l’entretien des villes de guerre. Sa défense présenta plus de moyens d’excuse que de justification. Il fut déclaré, le 8 février 1510, convaincu de concussions, d’exactions, de malversations et autres entreprises sur l’autorité royale, condamné à 15 000 liv. d’amende, au bannissement, et à la confiscation de ses biens. Le chancelier Poyet, en faisant rédiger le jugement, pendant la nuit, se permit d’ajouter à la clause du bannissement, ces mots : sans pouvoir être rappelé pour quelque occasion ou mérite que ce soit ; aux mots concussions et malversations, il ajouta ceux d’infidélités, de déloyauté, et força, par des menaces, les juges indignes de signer sa rédaction. Daniel rapporte qu’un des magistrats joignit à sa signature le mot latin ci, en caractères presque imperceptibles, et qui signifiaient qu’il cédait a la violence. Le jugement fut présenté à François Ier, qui l’approuva ; mais la rigueur du monarque s’évanouit devant les pleurs de la duchesse d’Étampes. Chabot obtint de faire mettre de nouvelles pièces sous les yeux de la commission, qui, en maintenant le premier jugement, déclara l’amiral exempt du crime de lèse-majesté et d’infidélité au premier chef. Bientôt il lui fut permis de paraître à la cour : et Eh bien, « lui dit le roi, vanterez-vous encore votre innocence ?

— Sire, répondit-il, j’ai trop appris que nul n’est innocent devant son Dieu et devant son roi ; mais j’ai du moins cette consolation, que toute la malice de mes ennemis n’a pu me trouver coupable d’aucune infidélité envers Votre Majesté. Il obtint des lettres de grâce, fut déchargé de l’amende, et rétabli dans ses emplois ; mais le chancelier eut l’attention d’insérer dans ces lettres l’arrêt de condamnation tout entier, et d’ajouter qu’il avait été porté au ou et au au du rot et muni de son approbation. C’était ôter à l’amiral tout moyen de révision. Il ne tarda pas à être venge : le connétable fut disgracié et se retira à Chantilly. Chabot et le cardinal de Tournon se partagèrent, par ordre du roi, les fonctious qu’il remplissait dans le ministère. La disgrâce du connétable avait entraîné celle du chancelier. Le triomphe de l’amiral était complet ; mais il ne put longtemps en jouir ; son jugement lui avait porté un coup mortel. « Depuis, dit Brantôme, le pauvre homme ne profita de son corps, car dès lors son pouls s’arrosa et cessa tout à coup par telle véhémence de peur, et qu’oncques depuis il ne le put retrouver, ni jamais put estre trouvé par quelque grand et expert