Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 7.djvu/671

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ments. Voyant le complot découvert, il laissa l’infant dom Miguel à Santarem, et vint rejoindre à Villa-Franca le roi, à qui il apprit tous les dangers qu’il avait courus. Ces révélations lui firent prendre sur l’esprit de Jean VI un ascendant qui tourna au profit du parti de la reine. Le roi et la famille royale revinrent à Lisbonne. Pamplona obtint immédiatement du monarque un décret qui portait que son épouse bien-aimée rentrerait dans les droits civils et politiques dont elle avait été dépossédée par le décret des cortes du 4 décembre 1822. Il condescendit même à aller à Ramalhao la féliciter sur les heureux événements qui la rendaient à sa famille, démarche bien pénible pour Jean VI, qui, depuis tant d’années, évitait la présence de son épouse. La reine revint aussi à Lisbonne, et, après une si longue séparation, se réunit à son mari dans le palais de Bemposta, mais pour s’en séparer bientôt encore et pour toujours. Le parti de la monarchie absolue triomphait ; le comte d’Amarante reparut à la cour, décoré du titre de marquis de Chaves. (Voy. Chaves.) Il reçut publiquement les félicitations et même un baiser de la princesse ; et Guarani ne fut pas accueilli avec moins de distinction. Charlotte-Joachine était au comble de la joie, et l’influence de son parti augmentait singulièrement. Le projet de détrôner Jean VI n’était pas abandonné. La facilité avec laquelle ce prince avait lui-même détrône sa mère, à l’aide d’une révolution de palais, était un appât qui tenait sans cesse en éveil l’ambition de Charlotte. Ses affidés jugèrent que, pour achever son triomphe, il convenait d'éloigner du prince les confidents qui avaient déjoué le complot de Villa-Franca, et surtout le marquis de Loulé (voy. ce nom), qui fut assassiné le 29 février 1824. Une enquête ordonnée par Jean VI n’amena d’autre résultat qu’un décret du 25 juin par lequel ce monarque pardonnait à toutes les personnes compromises dans cet attentat. Quelles étaient donc les considérations puissantes qui déterminèrent ce prince à couvrir d’un voile impénétrable un forfait odieux, comme il le dit lui-même dans son décret. Quels étaient ces grands criminels sur lesquels le roi n’osait venger le meurtre d’un ami? Les ennemis de la reine et de dom Miguel n’ont pas hésité a les nommer tous deux. Mais jusqu’à présent, pour la reine Joachine du moins, aucune preuve suffisante n’a été fournie par ses accusateurs. Jean VI, en maintenant l’abolition des cortes, après la révolution du 17 mai, avait annoncé le projet de donner une charte à ses sujets. Ce fut pour les chefs du parti royaliste le motif d’un nouveau complot, qui éclata le 30 avril 1824. Ce jour-là, dom Miguel se mit à la tête de la garnison de Lisbonne, et fit arrêter les ministres. La reine, qui, dit-on, était encore l'âme de ce mouvement, voulut qu’on forçat le roi à abdiquer en l’intimidant. On a prétendu qu’au moment de la plus grande effervescence, elle avait quitté son palais en voiture, et qu’elle n’attendait que le moment d’être proclamée régente. Depuis le premier soulèvement de dom Miguel, sans paraître officiellement dans les actes politiques de son fils, elle avait la plus grande part à la direction des affaires ; et plusieurs cours de l’Europe voyaient avec joie l’influence dont elle jouissait, comme une garantie que l’ancien ordre de choses se maintiendrait en Portugal. L’arrivée du duc de Villa-Hermosa, ambassadeur de Ferdinand VII, frère de Charlotte-Joachine, accrut encore l’ascendant de cette princesse. Jean VI ne régnait plus que de nom. Trois fois il voulut donner un décret d’amnistie pour tous les délits politiques, trois fois le parti de la reine l’en empêcha. Elle ne songeait qu’à élever ses amis et à écraser ses adversaires ; elle s’attachait surtout à poursuivre les francs-maçons, qui en Portugal étaient alors accusés de carbonarisme. Ses deux filles, la princesse de Beira, et Maria-Francisco, femme de l’infant don Carlos (aujourd’hui prétendant au trône espagnol), étaient ses auxiliaires. Il existait entre ces trois princesses une correspondance active, dont le but était de détruire les institutions libérales dans toute la péninsule, et de rétablir l’influence espagnole dans le Portugal comme dans le nouveau monde. Pour arriver à ces grands résultats, elle négocia, par le moyen de Guarani, un emprunt à Londres sous la garantie du dictateur du Paraguay. Un emprunt était sur le point de se réaliser, lorsque Guarani, qui devait signer les bons, fut mis en prison par suite d’une autre intrigue politique. Tant que la reine de Portugal et la cour de Madrid comptèrent sur l’emprunt, leur confiance fut sans bornes. Dans ses communications avec Ferdinand VII, Charlotte, s’attribuant tout le mérite de cette combinaison, s’exprimait ainsi : « Ce que vous n’avez pu faire, malgré tous vos sacrifices, je l’ai fait du fond de mon cabinet. Le service que je rends a l’Espagne équivaut a une nouvelle découverte de l’Amérique... » La politique de Charlotte-Joachine à l’égard de l’Angleterre parut un instant changer, lors du mouvement du 30 avril 1824. Lord Beresford favorisait secrètement les desseins de dom Miguel et de la reine. Le complot fut déjoué par le corps diplomatique, et principalement par l’ambassadeur français, M. Hyde de Neuville, qui, au moment de l’explosion, engagea le roi Jean VI à se retirer à bord du navire anglais, le Windsor Castle, et à garder son premier ministre Subserra, que le parti de la reine, seutenu par lord Beresford, voulait éloigner. Dom Miguel reçut le pardon de son père et la permission de voyager en Europe. Il est assez remarquable que la plupart des ministres étrangers, qui avaient suivi l’exemple de M. Hyde de Neuville, furent désapprouvés par leurs souverains. Les rois de l’Europe avaient sans doute quelque raison de désirer que le Portugal fût soustrait à la débile autorité d’un prince dont la faiblesse compromettait la royauté. Dès que M. Hyde de Neuville fut rappelé (4 janvier 1825), Jean VI congédia son ministre, et rendit par là toute son influence au parti de la reine. Un décret du 24 juillet amnistia tous les délits politiques attribués aux royalistes, y compris l’assassinat de Loulé. Jean VI fit même brûler les pièces de la procédure. Quelque temps après (30 juillet), une proclamation, affichée dans les