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G8 CON’ sorte le prochain avènement de la méthode de M. de Barante et en donnant le modèle. Espagnol, Goude a su voir que l’histoire d’Espagne n’est pas seulement celle des descendants de Pélage, et que tous les ouvrages relatifs à cette histoire, même ceux de Mariana, sont déshonorés par d’inexcusables lacunes qu’en vain se sont évertués à combler Gil Pérez, Casari, de Cardonne, Murphy et Masdeu, et cet infortuné Paul Flemming, martyr prématuré de la science. Orientaliste, Conde n’a songé qu’a remplir ces lacunes ; et dès lors enseveli vivant au milieu des poudreuses archives, des indéchiffrables inscriptions, des manuscrits géants, il s’est inspiré de leur esprit, il s’est fait Arabe et More ; il s’est effacé pour laisser agir, parler les émirs al-Moumemin, les Almoravides, les Almohades, les derniers habitants de Grenade, les derniers possesseurs de l’Alhambra. Ce n’est point un disciple de Voltaire mesurant les siècles antiques à la jauge des modernes, ne voyant les hommes, les choses qu’à travers le prisme de Ferney, travestissant le Generali ! on Sans··Souci. Cher lui ce sont bien les parfum du Généralif que l’on respire ; il y a, dans tout ce qu’il dit du soleil d’Afrique, du sang d’Afrique, des préjugés d’Afrique ; ·le califat et le sérail se sont donné rendez- " vous dans son livre ; c’est tour a tour ou tout ensemble l’impétuosité du Berbère et la gravité de l’Islam : il sent, il pense, il parle comme on parle, comme on pense, comme on sent à la mosquée, sous les palmiers, dans un harem, puis dans l’assemblée des Oulémas. Ce caractère se remarque dans le principal ouvrage de Conde, l’Histoire de la domination des Arabes en Espagne, Madrid, 1820-21, 5 xol. in-4o, avec planches ; traduit en français, avec es modifications, par M. de Maries, 1825, 5 vol. in-8o, et en allemand par Kuttschmann, ·1824·25, 5 vol. et grav. Tel est le soin avec lequel l’auteur se cache derrière ses originaux dans son ouvrage, que presque jamais il ne dit un mnt spécial de ce qui se passa chez les chrétiens, même dans ces circonstances ai fréquentes où chrétiens et Mores étaient aux prises. L’histoire de Conde est donc une histoire partiale. Mais, nous le répétons, c’est ce qu’il psomet en ne laissant jamais parler que les Arabes, et f c’est aussi ce que nous désirions. Assez longtemps on n’a copié que les récits des chrétiens. À présent lesdaux bulletins sont en présence : que l’on compare et que l’on choisisse. Évidemment les trois in-quarto de Conde ne constituent pas plus une histoire d’Espagne que l’énorme in-folio de Mariana ; mais les deux ouvrages réunis en recèlent les germes : il ne faut plus que les remets l’un par l’autre.— Vienne un homme de talent, et l’on pourra enfin avoir l’histoire de la Péninsule au moyen âge. C’est ce que n’a pas assez senti le traducteur français, soit lorsque du narre de Conde il a voulu élaguer ce qui lui semblait absurde, injuste, intolérant, invraisemblable ; soit lorsqu’il a prétendu combler les lacunes que laisse un récit fait tout entier à la plus grande gloire de Mahomet et des croyants. Ce vice devient plus grave encore quand on s’aperçoit que l’auteur des changements ne connait à fond ni les Arabes et

CON les autres familles musulmanes qui viennent successivement inonder la Péninsule, ni les chrétiens des diverses périodes du moyen âge. L’histoire de Conde est divisée en quatre périodes traitées dans 4 li·’ vres : 1° l'invasion, précédée de généralités sur l’origine et le caractère des Arabes, jusqu’à ce que l’Espagne cesse d’être une province de l’empire des ealifes ; Q• le califat d’Espagne jusqu’en 1050 ; 5° le démembrement, les Almoravides, les Almohades ; 4° le royaume de Grenade. Outre les manuscrits des bibliothèques royales de Madrid et de l’Escurial, Conde avait consulté à Paris la copie d’un manuscrit arabe très-précieux de la bibliothèque royale, copie exécutée sous les yeux de Langlès et de M. de Sucy. Au 5° volume se trouve un fac-simile d’inscriptions antiques dont Conde donne la traduction. Il est à regretter qu’a la suite de l’ouvrage ne se trouvent pas quelques annexes indispensables, telles que l’explication des mots sémitiques, une géographie comparée, la charte arabe, et aussi, car là serait leur véritable place, les rectifications et les additions les plus importantes que nécessite la vérité historique. Les autres écrits de Conde sont une traduction de la Description de l’Espagne écrite en arabe par le chérif Al-Edris le Nubien (avec le texte et des notes), 1799, in-12, et un Mémoire sur les monnaies arabes, notamment sur celles qui furent )l-app6es en Espagne sous les princes musulmans (inséré dans les Mémoires de l’Académie espagnole, t. 4, 1804, in-t•). Var, . P.

CONDILLAC (E·rmtv1vE Bomvor ns), abbé de Mureaux, naquit à Grenoble, le 30 septembre 1714. Il était frère de l’abbé de Mably, et, comme lui, il parvint à la célébrité, mais par des travaux d’un genre différent. Son goût gt le désir d’être utile lui firent diriger de bonne heure ses études vers la métaphysique. Ami de la retraite, si nécessaire aux occupations sérieuses, Condillac vécut peu dans le monde ; du moins n’a-t-il pas laissé, sur l’esprit qu’il y portait, de ces traditions que.l’on se plait à rappeler en parlant des hommes célèbres. On sait, seulement qu’il montra dans sa conduite la même sagesse que dans ses écrits. Ses mœurs étaient graves sans austérité ; lié dans sa jeunesse avec J.-J. Rousseau, Diderot et Duclos, il fut aussi réservé que ce dernier, et ne contracta jamais d’engagements indiscrets avec les philosophes de son temps. Le talent de l’abbé de Condillac n’était pas de nature à être apprécié de la multitude ; mais il jouissait de la gloire d’être un des premiers philosophes dans l’opinion des esprits les plus distingués, et lorsqu’il fallut choisir un précepteur pour l’infant, duc de Parme, petit-fils de Louis XV, l’homme qui passait pour connaître le mieux la marche de l’esprit humain parut aussi le plus propre à diriger et à former celui d’uu prince. Appelé à un emploi aussi important, l’abbé de Condillac suivit, pour l'jnstruction de son élève, une méthode qui n’était que l’application de ses théories métaphysiques. Il ne. s’attacha pas tant a donner a son élève les connaissances qui devaient lui servir un jour, qu’à le préparer a les acquérir lui-même. Après avoir rempli cette tache difficile, (Joudtllac. C