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plot, Cornélia et Sergia, autre patricienne. Si l’on en croit plusieurs auteurs, le nombre des femmes que, par suite de cette dénonciation, l’on reconnut coupables, fut de cent soixante-dix, ou même, selon quelques autres, de trois cent soixante-six. Cornélia et Sargia avait été surprises composant leurs funestes breuvages. Amenées devant l’assemblée du peuple, elles soutinrent que c’étaient des remèdes salutaires. l’esclave alors, se voyant accusée de faux témoignage, demanda qu’il fût ordonné aux deux dames d’avaler leurs potions. On prit ce parti ; mais avant de s’y soumettre, elles sollicitèrent la permission d’avoir une conférence avec les autres accusées. Lorsqu’elles l’eurent obtenue, toutes burent le poison, évitant ainsi une mort plus honteuse, et peut-être plus cruelle. Les Romains crurent voir dans cette conjuration un signe de la colère céleste, et cherchèrent à apaiser les dieux en nommant un dictateur pour attacher le clou au temple de Jupiter Capitolin, cérémonie à laquelle on avait déjà eu quelquefois recours dans les temps de calamité publique. Cn. Quintilius fut élu, et abdiqua immédiatement après s’être acquitté de cette fonction pieuse. Le crime des dames romaines est présenté avec des circonstances propres à faire soupçonner la véracité des historiens ; le nombre des coupables surtout donne à ce fait un air de merveilleux. Tite-Live avoue que plusieurs écrivains n’en parlent pas, et on peut observer que l’époque où l’on place cette singulière histoire appartient encore à ces premiers temps de Rome dont les événements ne paraissent pas authentiques. Cependant, ce qui est arrivé en France en 1679 ne permet pas de rejeter absolument le récit de Tite-Live. (Voy. Brinvilliers.)


CORNÉLIE, femme de Tibérius Gracchus, personnage consulaire, était fille du premier Scipion l’Africain. Elle est plus connue comme mère de Tibérius et de Caius Gracchus. Restée veuve avec douze enfants, dont neuf moururent jeunes, elle refusa de devenir femme de Ptolémée, roi d’Égypte. Elle prit un soin particulier de l’éducation de ses fils Tibérius et Caius : c’étaient les jeunes Romains les plus accomplis de leur temps. Ils devaient, dit Cicéron, l’élégance de leur élocution aux leçons et aux exemples de leur mère, femme de l’esprit le plus cultivé, et.dont les lettres étaient lues et admirées longtemps après sa mort, pour la pureté de la diction.

Les deux Gracchus faisaient tout l’orgueil de leur mère. On raconte qu’une dame campanienne, qui la visitait, lui ayant étalé tous ses bijoux et tous ses joyaux, et lui ayant demandé à voir les siens, Cornélie, en lui montrant ses deux fils, lui dit : « Voilà mes bijoux et mes ornements. » Il lui fut élevé, de son vivant, une statue avec cette inscription : Cornelia mater Gracchorum. (Voy. Gracchus.) - CORNÉLIE, fille de Cinna, fut la seconde femme de Jules-César et la mère de Julie, qui épousa Pompée. Il lui était si attaché, que le terrible Sylla ne put obtenir de lui qu’il la répudiât : il la perdit étant questeur, et il en fit l’éloge funèbre à la tribune. Plutarque fait observer que Jules-César fut le premier Romain qui fît l’éloge public d’une femme aussi jeune, et que par là il gagna les cœurs de la multitude.


CORNÉLIE. Voyez Pompée.


CORNÉLIE, première vestale sous le règne de Domitien, fut convaincue d’inceste, et enterrée toute vive. Pline dit qu’elle fut condamnée sans avoir été entendue, et que l’empereur avait voulu qu’elle pérît, pour que son règne fût marqué par le supplice d’une vestale. Suétone ne dit rien qui puisse accréditer cette opinion ; il observe qu’elle avait été absoute autrefois d’une pareille accusation, et laisse entendre que ce fut un acte de justice sévère plutôt qu’un acte de cruauté. Au moment où elle descendait dans la fatale fosse, sa robe s’étant accrochée, elle se retourna et se débarrassa avec autant de tranquillité que de modestie. Le président Hénault est auteur d’une tragédie intitulée : Cornelis natale, qui fut jouée sans succès au Théâtre-Français en 1715, et imprimée, en Angleterre, 1768, in-8°. (Voy. Hénault.).


CORNÉLIO (Flamino. Voyez Cornard ou Corner.


CORNÉLIS (Corneille), peintre, né à Harlem, en 1562, puisa dans cette ville les premiers principes de son art. Fort jeune encore, il entreprit d’aller en Italie ; mais divers obstacles ayant interrompu son voyage, il revint en Flandre, et s’arrêta à Anvers ; les études qu’il y fit à l’école de François Porbus, puis a celle de Gille Coignet perfectionnèrent beaucoup sa manière de peindre. Il traita avec succès l’histoire, le portrait et même les fleurs. Son retour à Harlem fut signalé par un ouvrage considérable, représentant la Compagnie des arquebusiers : ce tableau capital excita la surprise et l’admiration de van Mander, qui se trouvait alors dans cette ville. « En effet, dit Descamps, l’ordonnance en est belle, la couleur excellente, les mains d’un beau dessin, les expressions nobles ; ce ne sont cependant que des portraits, mais tracés par le génie de l’histoire. » Cornelis avait formé son goût sur la nature, qu’il imitait fidèlement, et sur les chefs-d’œuvre de l’antique, dont il s’était procuré des plâtres, pour se dédommager de n’avoir pu étudier les originaux ; aussi son dessin était correct, exempt d’affectation, et il rendait très-bien les différences que présente le nu, suivant les sexes et les âges : ce mérite brillait surtout dans une grande scène du Déluge, qu’il exécuta deux fois avec toute l’habileté qu’exige un pareil sujet. Peu de peintres ont plus travaillé et ont été plus loués que Cornelis ; ses productions nombreuses, eu grand et en petit, étaient enlevées par les amateurs, et elles sont devenues très-rares dans le commerce ; il les marquait par C. C. ou par Ch. Les galeries de Vienne et de Dresde renferment plusieurs de ces tableaux. Muller et Goltzius ont beaucoup gravé d’après ce maître ; mais ils paraissent lui avoir prêté leur manière. On distingue entre les planches de Goltzius quatre plafonds : le Supplice de Tantale, la Chute d’Icare, celle de Phaéton et le Supplice d’Ixion ; et, dans les planches de Muller, une vaste composition représentant la Fortune qui distribue inégalement ses bienfaits. Cornelis mourut