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dre avec l’escadre lacédémonienne. Après l’avoir défié plusieurs fois au combat, sans qu’il voulût l’accepter, ils se crurent invincibles, et, malgré les avis de Conon, ils négligèrent tellement de se tenir sur leurs gardes, que Lysandre les surprit à Ægospotamos, et détruisit entièrement l’escadre athénienne, à l’exception de neuf vaisseaux avec lesquels Conon s’échappa. La galère paralienne, qui était de ce nombre, alla porter à Athènes la nouvelle de ce désastre, et Conon, désespérant pour le moment du salut de sa patrie, emmena les huit autres dans l’ile de Chypre, où il resta auprès d’Evagoras, en attendant que les circonstances lui permissent de faire quelque chose pour les Athéniens. Les Lacédémoniens, n’ayant plus de rivaux dans la Grèce, envoyèrent Agésilas avec une armée en Asie pour faire la guerre au roi de Perse ; Conon se rendit aussitôt auprès de Pharnabaze, satrape de la Lydie et de l’Ionie, l’aida de ses conseils, et lui suggéra l’idée de forcer les Lacédémoniens à rappeler Agésilas, en leur faisant déclarer la guerre par les Thébains et d’autres peuples de la Grèce. Pharnabaze ayant fait sentir au roi la nécessité d’avoir une escadre, Conon fut chargé du soin de la former ; mais se voyant arrêté par la malveillance de ceux qui devaient lui fournir les fonds nécessaires, il alla trouver le roi de Perse, et lui inspira tant de confiance, que ce souverain le nomma général en chef de ses forces navales, et, sur sa recommandation, il chargea Pharnabaze, son ami, de lui fournir tout l’argent dont il aurait besoin pour équiper une escadre. Il ne fut pas trompe dans son attente ; car peu de temps après (l’an 394 avant J.-C.), Conon remporta vers Cnide une victoire éclatante sur les Lacédémoniens, qui perdirent l’empire de la mer. Les îles ne tardèrent pas à se détacher d’eux, et Pharnabaze les laissa libres, à la prière de Conon. Ces deux généraux allèrent ensuite ravager les côtes de la Laconie, et prirent l’île de Cythère, où ils mirent une garnison. Conon se rendit alors à Athènes, et en fit rétablir les murs, ainsi que ceux du Pirée, avec l’argent que Pharnabaze lui avait fourni, et il donna à cette occasion un repas splendide à tous les Athéniens. Les Lacédémoniens, consternés des succès de Conon, et alarmés du rétablissement des murs d’Athènes, envoyèrent Autalcidas vers Tiribaze, l’un des généraux du roi de Perse, pour demander la paix, en offrant d’abandonner les villes grecques d’Asie, à condition seulement que les iles restassent libres. Les Athéniens députèrent de leur côté Conon et quelques autres, pour s’opposer au traité que proposaient les Lacédémoniens. Tiribaze, qui favorisait ces derniers, probablement par jalousie contre Pharnabaze, fit arrêter Conon, sous prétexte qu’il cherchait à soulever l’Ionie et l’Eolide, et se rendit vers le roi de Perse pour lui faire part des propositions des Lacédémoniens. Il paraît que le roi n’approuva pas sa conduite ; car il envoya un autre de ses généraux prendre le commandement des provinces maritimes, et Conon, ayant été relâché, retourna dans l’île de Chypre, où il mourut de maladie, vers l’an 390 avant J.-C., laissant des biens considérables à Timothée son fils, qui devînt, lui-même un général célèbre. On rapporta son corps dans l’Attique, où on lui érigea un tombeau. Le peuple athénien rendit les plus grands honneurs à sa mémoire, et il est, dit-on, le premier, depuis Harmodius et Aristogiton, à qui on ait érigé une statue en bronze. Nous avons un abrégé de sa vie par Cornélius Népos ; mais on trouve beaucoup plus de détails dans l’histoire grecque de Xénophon et dans Diodore de Sicile. C—R.

CONON de Samos, astronome et géomètre célèbre, dont il ne nous reste aucun ouvrage, n’est connu que par les témoignages honorables qu’ont rendus de lui Archimède, Sénèque, Virgile, Callimaque et plusieurs autres poëtes. Il vivait vers la 120e et la 130e olympiade, environ 260 et 300 ans avant J.-C. Nous savons, par la préface du Traité des spirales, qu’Archimède lui avait envoyé plusieurs théorèmes sur la sphère et le cône, et que Conon n’en avait pas deviné les démonstrations. « Il les eût trouvées, sans doute, ajoute Archimède, s’il eut assez vécu ; il y eût ajouté de nouveaux théorèmes, et fait avancer la science ; car il avait une sagacité extraordinaire et un grand amour pour le travail. Il était mon ami, dit-il encore, en commençant son Traité de la quadrature de la parabole, et il était un homme admirable en mathématiques. » Un pareil témoignage, consigné dans les écrits d’Archimède, après la mort de Conon, doit nous faire regretter la perte de ses ouvrages. Apollonius lui est moins favorable au 4e livre des Sections coniques. On y voit que Conon avait déterminé le nombre de points qui peuvent être communs à un cercle et à une section conique, ou bien deux sections coniques, sans que les deux courbes se confondent ; mais il s’était trompé dans la démonstration qu’il avait donnée de son théorème. Nicotélès de Cyrène avait écrit contre Conon, pour lui prouver son erreur ; mais se laissant emporter à son animosité, il avait dit qu’il n’y avait rien d’utile dans l’ouvrage de Conon. Apollonius trouve ce jugement trop sévère, et pense que si les théorèmes de Conon ne sont pas d’une nécessité indispensable, ils peuvent au moins abréger plusieurs démonstrations. Conon avait proposé aux géomètres de trouver la théorie de la spirale, et c’est la probablement ce qui nous a valu le traité d’Archimède sur les hélices. (Voy. Pappus, liv. 4, proposition 18.) C’est tout ce qu’on sait de Conon comme géomètre. Comme astronome, nous voyons qu’un commentateur de Ptolémée, dans une note ajoutée au petit ouvrage des Apparitions des étoiles, cite Conon parmi ceux qui ont fait leurs observations en Italie. Sénèque, dans ses Questions naturelles (S 7, Quest. 3), nous dit qu’il avait recueilli les éclipses de soleil observées en Égypte. Virgile l’a nommé dans ces vers de la 3e églogue :

In medio duo signa : Conon, et …. quis fuit alter ?…
Descripsit radio totum qui gentibus orbem.

Mais ce qui surtout fera vivre son nom, c’est l’élégie de Callimaque sur la chevelure de Bérénice, ou plu-