Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 1.djvu/333

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avait irrité les dieux de l’Olympe et de la mer ; il veut être plus sage que le roi des rois ; il avait même donné l’ordre à deux matelots de reconduire à Ërisso la Lesbienne avec son enfant. On ne s’est pas pressé de lui obéir, nous lui avons fait entendre qu’il trahissait l’hospitalité, et qu’il allait offrir une victime à la barbarie des Turcs. Enfin, il s’est laissé attendrir ; la pauvre femme ne sait pas qu’on a délibéré ainsi sur son sort ; elle compte tristement les heures dans l’entrepont, elle maudit plus que nous les vents contraires, car la seule vue d’Erisso la tient dans de continuelles alarmes.

Nous sommes dans la baie d’Erisso comme dans un lieu d’exil. Là, nos heures s’écoulent lentement et de la manière la plus uniforme. Il m’est arrivé plusieurs fois, de passer la nuit sur le pont dé l’Erminio, les yeux tournés vers le ciel. Le premier effet de ce beau spectacle, c’est de me rappeler les lieux que j’ai quittés, de reporter ma pensée vers nos amis d’Europe ; j’ai toujours remarqué que l’aspect d’une belle nuit réveillait d’abord en nous les sentimens tendres et les souvenirs affectueux. Rien n’est plus propre aussi à nous consoler des peines de la vie que la vue de cette multitude de mondes, de cette poussière d’étoiles, semée dans l’étendue du firmament ; en présence de cette immensité, quel homme n’a pas senti le néant des choses humaines ? Quel homme n’a pas oublié les empires et leurs révolutions ! À force dé contempler