Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 1.djvu/417

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née, lorsqu’il dit à Priam « Je suis éloigné de ma patrie, attaché à une cruelle guerre sur ce rivage et condamné à être le fléau de votre famille et de votre royaume ; pendant que je laisse mon père sans consolations et sans secours. »

Rappelez-vous maintenant le combat d’Énée et de Turnus dans le douzième livre de l’Énéide. Je ne crois pas que le récit de Virgile, quoique rempli de beaux vers, puisse nous faire assister aux scènes qu’il décrit, il ne donne pas l’envie de le relire sur les lieux, et personne, je crois, ne fera pour cela le voyage de Laurente. Le poète latin n’a pu emprunter à Homère ce qu’il a de plus touchant ; les personnages d’Hécube, de Priam et d’Andromaque manquent à ses tableaux. Virgile l’emporte, il est vrai, sur son rival ou plutôt sur son maître par la noblesse des sentimens, par la raison poétique, mais combien il reste au-dessous d’Homère pour la grandeur des images, pour l’intérêt des scènes dramatiques !

On peut expliquer cette différence dans le mérite des deux poètes, au moins pour certaines conceptions et pour le caractère des héros, on peut l’expliquer, dis-je, par la différence des sujets qu’ils ont traités et surtout par celle des temps où ils ont vécu. Achille est violent et impitoyable, car le sujet de l’Iliade est la chute d’une grande cité ; le poète devait montrer les passions, qui détruisent ; Enée est plus humain, plus généreux, parce que le poème