Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/243

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m’éviter l’embarras de manger sur mes genoux. Vous croyez peut-être que je suis en face de quelque charmant paysage qui me fait oublier ce que ma demeure a de trop incommode. Point du tout ; je n’ai point le spectacle du Bosphore, je ne vois de ma fenêtre que des maisons brunes et aussi humbles que la mienne ; des causeries monotones derrière un châssis grillé, des voix de petits enfans, un aveugle qui passe en chantant sa longue complainte grecque, les cris des vendeurs de la rue, voilà tout ce que j’entends. Vous, voyez que ma demeure n’a rien, qui puisse faire envie ; mais c’est là le seul gîte que j’ai trouvé à Thérapià ; d’ailleurs je suis aussi bien ici que dans notre boutique de Koumkalé ou sous les chênes de la Troade.

Si mon logement n’a rien d’agréable, j’ai en dédommagement des hôtes qui ont pour moi presque de l’amitié. La maîtresse de la maison est une veuve d’environ cinquante ans, d’une figure douce, d’une bonté prévenante : comme toutes les femmes grecques, elle a une bonne dose de superstition ; le nom de la Panagia se mêle à toutes ses paroles ; elle donne son obole à tous, les quêteurs de monastères, baisé religieusement la main de tous les papas qu’elle rencontre. Une pieuse image ou la robe d’un caloyer sont les seules, choses qu’elle aime à contempler, et je suis bien, sûr qu’il ne lui est jamais arrivé d’arrêter ses regards sur les beaux paysages du Bosphore ; mais, je me reproche pres-