Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/28

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échauffées a la fois par les feux du climat et par une religion toute passionnée. Rien n’est plus étrange sans doute que de pareilles cérémonies ; mais des hommes sages ont pensé que ces fatigues et ces tourmens du corps pouvaient être une distraction à l’exaltation de l’esprit. Si des exercices violens et périlleux n’occupaient leurs sens et leurs pensées, il est probable que des dervisches ignorans, des réclus oisifs, nourris au milieu, des fantômes de la solitude et livrés aux songes et aux visions de la nuit, perdraient tout-à-fait la raison. Il arrive quelquefois, et c’est là qu’éclate la sagesse de la nature, que le délire de l’homme met une borne à ses propres excès, et que traçant un cercle autour de lui, il se dit à lui-même : Je n’irai pas plus loin ; c’est ainsi que le torrent impétueux qui menaçait de tout submerger, finit par se creuser un lit, et se fait un rivage ou une limite que ses flots grondans ne peuvent plus franchir.

Tandis que nos cénobites voyageurs s’acheminaient vers le tecké qu’ils allaient visiter, nous avons poursuivi notre route. Après avoir quitté les pays boisés et montueux, nous sommes arrivés dans une vaste plaine, au bout de laquelle on aperçoit la ville des Dardanelles ; cette ville qui paraît avoir deux fois l’étendue de la petite cité de Koumkalé, est bâtie, comme vous savez, au bord de l’Hellespont ; le Rhodius baigne ses murailles au sud-est ; ce fleuve ne roule guère plus d’eau que