Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/322

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prennent pour modèle, et les Francs qui ont eu des rapports avec lui le proclament le plus tolérant des Osmanlis. On m’a dit que la plupart des nobles habitans du Bosphore mènent une joyeuse vie ; chaque kiosque a son harem avec ses voluptés et ses mystères, et les riches effendi, entourés de houris grecques ou musulmanes, trouvent ici un paradis semblable à celui que leur a promis le prophète.

On m’a montré, au nord de Scutari, à Eukuz-Limani, le kiosque où le reis-effendi recevait les ambassadeurs chrétiens, dans la dernière guerre avec les Russes ; tout le corps diplomatique s’y rassembla plusieurs jours de suite, car les aigles moscovites s’approchaient de Stamboul, et déjà le grand-seigneur avait fait demander aux ambassadeurs de France et d’Angleterre s’ils le suivraient en Asie. Cependant le reis-effendi ne perdait rien de son immobile gravité, et n’oubliait aucune des cérémonies en usage chez les Orientaux. Avant d’ouvrir chaque conférence où il s’agissait du salut de l’empire, le ministre ottoman aurait cru manquer à l’Europe, manquer à la dignité de son gouvernement, s’il n’avait donné la pipe, le café et les parfums aux excellences chrétiennes. Figurons-nous d’illustres plénipotentiaires qu’on appelle dans le plus grands péril, et qui passent d’abord une demi heure à souffler dans un tuyau de jasmin ou de cerisier ; du reste, la paix n’en fut pas moins con-