Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/343

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que personne ne descendit aux sombres rives. Le Tartare où personne n’arriva pendant un jour, où le nocher infernal s’étonnait de ne plus voir les pâles humains ; ne pourrait-il pas vous donner une idée de cette prison solitaire, où les chaînes restent suspendues à un mur, et dans laquelle le geôlier attend vainement des captifs ! Cependant le gardien qui a vu notre surprise, et qui éprouvait quelque confusion de se voir resté seul, car chaque homme à l’amour-propre de son métier, nous a expliqué la solitude de sa prison, en nous disant qu’il y avait partout des prisons dans Stamboul, et que chaque ministre, chaque pacha, chaque juge avait la sienne comme il avait sa juridiction et sa garde ; il ne s’agit pas pour cela d’élever d’épaisses murailles, de construira à grands frais des cachots : il suffit pour chacun de trouver dans sa maison ou dans celle de ses voisins, une chambre, un hangard, une cour, une enceinte fermée ; on ne fait pas plus de façon pour loger des prisonniers, qu’on n’en ferait dans un camp ou dans une armée.

Puisque j’en étais aux prisons, j’ai voulu voir celle du vaivode de Galata, qui est la prison de mon quartier. Un Arménien, qui lui-même avait passé quelques jours dans cette prison, a été mon guide ; cinq ou six piastres nous ont ouvert les portes ; quoique la prison du vaivode n’ait point l’aspect lugubre que je m’étais figuré, on y reconnaît néanmoins au premier abord le séjour de la douleur