Un spectacle fort amusant pour un observateur, c’est de voir comment les Turcs tirent parti de l’intérêt que l’Europe chrétienne prend à leur situation présente. Lorsqu’on leur demande une chose difficile, une chose qu’ils ne veulent pas accorder, lorsqu’on les menace de quelques démonstrations hostiles, leur diplomatie suppliante ne manque pas d’intercéder en faveur d’un ordre de choses qui leur vient de l’Occident et qu’on peut compromettre ; ils espèrent qu’on aura des égards pour l’œuvre encore fragile d’une civilisation commencée : leurs réclamations, ainsi motivées, ont quelquefois produit leur effet. Il n’est pas de ministre étranger qui ne se croye obligé de donner à la Porte quelques leçons de la civilisation européenne ; il s’en retourne fort content d’avoir été entendu avec docilité, tan1 dis que les membres du divan se moquent de leur conseiller et de ses avis. Des ministres du sultan, pour vous intéresser davantage, iront même jusqu’à faire l’abnégation de l’amour-propre national ; et si on leur montre quelque impatience de les voir marcher si lentement dans la carrière des réformes, ils vous diront d’un ton naïf : Que voulez-vous ? nous sommes des Turcs. Comment n’être pas pris à ce piège ? Je demandais un jour à un homme en place, pourquoi sa nation avait montré autrefois tant d’ardeur, tant d’activité, et qu’elle montrait tant d’indolence aujourd’hui. — Pourquoi alliez-vous si vite alors, et pourquoi allez-vous avec tant de lenteur