Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/410

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qui a rapport au singulier commerce qu’il fait, il m’a proposé de me mener en Circassie dans son prochain voyage. S’il ne fallait pas six mois pour cette grande excursion, si je me sentais assez de force pour braver les fatigues de la route et les tempêtes de la Mer-Noire, j’irais sur les bords de l’Halis, j’irais dans l’ancien pays de la Colchide ; et là que de choses j’aurais à vous écrire non-seulement sur le déplorable trafic de l’espèce humaine, mais encore sur beaucoup de pays et de peuples qui sont restés inconnus aux voyageurs ! Trébisonde est un des grands marchés où sont conduits les esclaves. Les marchands de Stamboul vont quelquefois jusqu’à l’embouchure du fleuve Batoun, jusqu’à la côte des Lases et aux frontières maritimes de la Mingrelie. Sur tous les points de débarquement, on leur amène de jeunes garçons et de jeunes filles dont ils composent leur cargaison. Souvent les parens eux-mêmes vendent leurs propres enfans, et les échangent contre de la poudre, des fusils, des étoffes d’Alep, quelques pièces de bijouterie, etc. Dans tous les pays où se fait ce malheureux trafic, il est à remarquer que les habitans sont très-rigides dans leurs mœurs, et suivent avec beaucoup de scrupule, les uns la religion grecque, les autres la religion musulmane ; lorsqu’on leur reproche d’oublier les devoirs de la paternité, ils allèguent les usages depuis long-temps établis, ils s’excusent sur l’impossibilité d’élever leurs enfans.