Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 2.djvu/75

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avons pu y prendre une leçon de médecine. Voici le fait : nous étions étendus sur des gerbes de blé avec le régisseur Méhémet ; celui-ci a tout-à-coup interrompu la conversation qui roulait sur la culture du pays, pour se plaindre d’une crampe d’estomac ; nous lui avons indiqué quelques remèdes, mais, sans même daigner nous écouter, il a fait venir un des valets les plus vigoureux de la ferme, il s’est couché à terre sur le dos, et le valet docile aux ordres de son maître, s’est mis à lui danser sur le ventre et sur l’estomac, comme il aurait fait sur un sac dé blé. Le spectacle d’un meurtre ou d’un suicide ne nous aurait pas causé plus de frayeur, mais bientôt le malade s’est relevé en nous disant qu’il était soulagé, et qu’il ne sentait plus son mal. Je pense bien que notre académie de médecine ne connaît pas encore ce remède-là.

Ainsi s’est passé notre journée dans le tchiflik. À l’approche du soir, je me suis occupé d’avoir un gîte pour la nuit : la plupart de nos compagnons avaient déjà pris le parti de coucher sur l’aire et de se faire un lit avec des gerbes de blé. Les chiens de la ferme devaient veiller pour écarter les chacals et les loups qui ne manquent pas dans un pays couvert de bois. Comme le vent du nord soufflait violemment et que la nuit était froide, Méhémet m’a fait les honneurs d’une chambre du tchiflik. On m’a conduit dans une grande salle dont la porte donnait sur la cour, cette salle avait une cheminée,