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MICHEL-ANGE.

s’est fait ici fête complète, et les pauvres y ont eu quelques aumônes. On leur jetait à chaque instant de l’argent, à la porte de la salle du Pape, et celui-ci leur en a fait en outre distribuer beaucoup. Ainsi les charpentiers et les peintres ont bien vendangé. Malheureusement, le pauvre Baia (Jacobo di Corso, dit le Baia) se trouvait à parler avec un ami sur la place où Sangallo et lui avaient dressé un arc, quand, le feu de l’artillerie tirant, une bietta de fer échappée d’un carré vint le frapper au genou et lui brisa la jambe. Il a fallu la lui couper, et en quatre jours il est mort. C’est le seul accident qu’on eut à déplorer, pendant les fêtes.

Parti, le 3 décembre, pour Bologne, le pape y arriva le 8. Le 11, le roi (de France) l’y rejoignit, et, s’agenouillant, il lui baisa le pied et lui rendit obédience avec grande dévotion. Le 13, le Saint-Père chanta la messe à San-Petronio ; ce fut le jour de sainte Lucie. Le premier à lui verser l’eau sur les mains fut un grand seigneur de France, appelé monseigneur de Lanson ; le second, monseigneur de Bourbon ; le troisième, le grand maître (de la cour) du roi ; le quatrième enfin, le roi lui-même. Le soir de ce jour, le roi soupa avec le pape et lui lava les mains pour témoigner de son obédience. Toutes ces choses furent tenues comme de grandes choses, et je ne te les détaille pas parce que ce serait trop long. Puis, le 15, le roi quitta Bologne pour se rendre à Milan ; et, le i 8 du même mois, le pape s’en revint à Florence. Il y fit son entrée, le samedi 22. Le jour de Noël, il chanta la messe à Sainte-Marie-des-Fleurs, ce qui fut une belle chose ; et la Signoria vint lui faire sa cour. Quand la messe fut commencée et qu’il fallut laver les mains du pape, le premier des seigneurs à qui échut l’honneur de verser l’eau fut Giannozzo Salviati. Comme, ce matin-là, le sort m’avait choisi, je fus le second à verser l’eau aux mains du pape. Le troisième fut le duc de Camerino, et le quatrième le gonfalonnier de justice Pier Ridolfi. La messe étant finie, le pape fit à la Signoria — c’est-à-dire au palais — don d’une riche épée drapée d’or et d’argent, dans un fourreau de velours gris brodé de perles, en signe de justice, et avec grande et belle cérémonie. Et puis, le cortège des nombreux prélats et cubiculaires se reformant, nous retournâmes au palais…