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APPENDICES

Sonnet VI
Non è colpa mai sempre…

Non, cet ardent amour, qu’allume en notre sein une beauté ravissante, n’est pas toujours coupable envers Dieu, si le cœur, attendri peu à peu par ce doux sentiment, n’en devient que plus accessible aux traits de la divine lumière.

L’amour nous ranime et nous excite ; il nous donne des ailes pour voler aux plus hautes régions ; et souvent sa brûlante flamme est le premier degré d’où l’âme, inquiète ici-bas, s’élance vers le créateur.

Ah ! celui que tu inspires n’a rien de vain ni de fragile : tous ses désirs sont élevés ; c’est le seul qui convienne à un cœur noble et vertueux.

Cet amour rapproche l’homme des cieux, l’autre le rabaisse à la terre ; le premier a son siège dans l’âme ; le second, dans les sens, ne tend jamais qu’aux choses basses et méprisables.


Sonnet VII
Ben puo talor col mio…

Oui, sans crainte d’être déçu, je sens que l’espoir, dans mon âme, peut quelquefois égaler le désir ; car Dieu ne nous eût pas mis en ce monde si toutes nos affections avaient dû lui déplaire.

Et qui pourrait mieux justifier mon amour pour toi que l’hommage même que j’offre à ce Dieu de paix dont tu tiens les charmes qui t’embellissent, et pour lesquels ton cœur noble ne brûle que des plus chastes feux ?

Seul, il peut concevoir des espérances vaines, cet amour périssable comme l’objet qui l’inspire, parce que sa constance est soumise à la durée de la beauté.

Mais celui que la chute d’une dépouille fragile et terrestre n’éteint ni ne flétrit dans une âme vertueuse, celui-là est vraiment immuable et devient le gage assuré de la béatitude céleste.


Sonnet VIII
Passa per gli occhi al cuore…

L’image de tout ce qui est beau, de tout ce qui charme, passe, en un moment, des yeux au fond du cœur, par un chemin si doux, si facile, si vaste, que la force et le courage ne peuvent lui résister.

De là, mes craintes et mon inquiétude ; de là, l’effroi que m’inspire toute erreur qui peut égarer l’âme. Où serait ma confiance, quand, parmi les mortels, je ne vois rien qui ne tende aux plaisirs fugitifs de ce monde ?

Peu d’hommes purifient leur cœur aux saintes flammes du ciel. Et toutefois, l’amour étant un mal attaché à la vie, quel plus affreux tourment que de vivre,

Embrasé de ses feux, abreuvé de ses noirs poisons, si, par l’effet de sa grâce, Dieu ne ramène enfin sur lui-même cette ardeur passionnée ?


Sonnet IX
Veggio co’bei vostri occhi…

Vos beaux yeux me font voir une douce lumière dont mes regards voilés n’auraient jamais pu jouir ; votre appui soutient ma faiblesse sous le poids inaccoutumé de l’amour.