VIII
Mon très cher Confrère, après mes salutations, etc.
Je pense que vous avez appris la mort de ce pauvre Raphaël d’Urbin et que vous en avez eu un grand déplaisir. Que Dieu lui pardonne !…
Maintenant je vous donne brièvement avis que l’on va peindre la Salle des Pontifes. Les élèves de Raphaël font, à ce sujet, beaucoup de bravades et veulent la peindre à l’huile. Je vous prie de vouloir bien vous souvenir de moi et me recommander à Monseigneur Révérendissime ; et si je suis bon pour une semblable entreprise, veuillez me mettre à l’œuvre ; car je ne vous ferai pas honte, non plus que je ne l’ai fait, je crois, jusqu’à présent. Je vous donne avis qu’aujourd’hui, j’ai porté de nouveau mon tableau au palais, près de celui de Raphaël, et il ne m’a pas fait honte. Surtout prenez garde qu’un des élèves de Raphaël d’Urbin va à Florence pour obtenir de Monseigneur Révérendissime tous les travaux du palais. Je vous en prie, faites que j’aie au moins un de ces travaux ; j’ai écrit à Monseigneur Révérendissime et me suis offert pour ce que je vaux et je puis. Je ne vous dirai pas autre chose. Jésus-Christ vous conserve en santé.
Votre compère Sébastien, peintre vénitien.
(Archives du Duomo de Florence.)
IX
Mon très cher Compère, après mes salutations.
Il y a bien des jours que j’ai reçu de vous une lettre, à moi très agréable, avec une, adressée au cardinal de Sainte-Marie-in-Portico, et une à Frizi ; toutes sont bien arrivées. J’ai porté la sienne au cardinal, qui m’a fait beaucoup de gracieusetés et d’offres ; mais, pour ce que je demandais, il m’a dit que le pape avait donné la Salle des Pontifes aux élèves de Raphaël et que ceux-ci avaient peint à l’huile sur le mur, comme essai, une figure qui était
- ↑ Sébastien, né à Venise en 1485, mort à Rome en 1547, fut d’abord musicien, ensuite peintre, enfin frère attaché à la Chancellerie du Vatican pour les sceaux ou plombs qu’il fixait aux Bulles : d’où son surnom de Sebastiano del Piombo. Ses lettres à Michel-Ange, dont le texte italien a été publié en 1875 par Gaetano Milanesi, ont été traduites en français par M. Le Pilleur, à qui nous sommes redevables des emprunts que nous en faisons ici et que nous continuerons à l’Appendice de ce présent ouvrage.