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Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/284

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Un témoin oculaire lui raconta, que Rigaud en arrivant devant la maison qu’il habitait, portait son uniforme de commandant du 114e bataillon, qu’il avait pour le combat.

Son intention était de brûler les papiers qui étaient dans son logement.

Les soldats l’avaient suivi à son uniforme ; ils entrèrent presque en même temps que lui et feignirent de prendre le propriétaire, un nommé Chrétien pour un officier fédéré afin que la peur lui fît livrer celui qu’ils avaient vu entrer.

Comme Chrétien protestait, Rigaud entendit, et s’écria : — Je ne suis pas un lâche, et toi, sauve-toi.

Il descendit fièrement, détacha sa ceinture, donna son sabre et son revolver, et suivit ceux qui l’arrêtaient.

Au milieu de la rue ils rencontrèrent un officier de l’armée régulière qui s’écria : — Quel est encore ce misérable ? et s’adressant au prisonnier l’invita à crier : Vive Versailles !

— Vous êtes des assassins, répondit Rigaud : Vive la Commune !

Ce furent ses dernières paroles, l’officier, un sergent, prit son revolver et lui brûla la cervelle à bout portant, la balle avait fait au milieu du front ce petit trou d’où coulait le sang.

Pendant longtemps personne ne voulut croire à la mort de Rigaud, certains assuraient l’avoir vu à la tête de son bataillon, mais comme il était très brave il fallut bien à sa longue absence, reconnaître qu’il était mort.

Depuis l’entrée de l’armée de Versailles, les gardes nationaux de l’ordre excitaient l’armée à la tuerie : les uns ayant trahi, les autres ayant peur, qu’on ne les prit pour des révoltés, ils eussent égorgé la terre, ces imbéciles ayant la férocité des tigres.