Page:Michel - La Commune, 1898.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fouiller celle-là, on la fusillera demain matin, on me fit monter dans une petite pièce près du grenier à fourrages, où se trouvaient déjà quelques femmes arrêtées ; madame Millière parce qu’on avait fusillé son mari, mesdames Dereure et Barois parce qu’on croyait avoir fusillé les leurs ; Malvina Poulain, Mariani, Béatrix, Excoffons et sa mère parce qu’elles avaient servi la Commune, une vieille religieuse pour avoir donné à boire à des fédérés qui allaient mourir.

Deux ou trois autres qui ne savaient pas pourquoi, l’une d’elles même ignorait si elle était arrêtée par la Commune ou par Versailles.

À l’extrémité opposée de la pièce était un autre groupe de femmes mises avec nous afin de pouvoir dire qu’elles étaient des nôtres ; de mon côté j’assurais pour rendre la pareille, qu’elles étaient des femmes d’officiers de Versailles.

Ces malheureuses se servaient pour leurs ablutions, plus étranges que celles du docteur Grenier, des deux bidons d’eau jaunâtre, prise à la mare de la cour, qu’on mettait là pour boire.

Dans cette mare les vainqueurs lavaient leurs mains sanglantes, et faisaient leurs ordures.

Les bords charriaient une écume rose.

C’était près de cette mare que je songeais à ces hommes, qui jadis nous appelaient leurs chers enfants, et que l’affolement du pouvoir faisait des étrangleurs de la Révolution.

Pelletan, lui, s’était retiré avant la tuerie.

Pendant la nuit, Excoffons et sa mère avaient tiré de leurs poches des bas secs en place des miens qui étaient trempés, elles m’avaient fait ôter ma jupe qui dégouttait d’eau et m’en avait donné une. Je me reprochais d’être si à mon aise pendant que mes compagnons de route étaient sous la pluie ! Nous étions couchées à terre sur le plancher, et tout en mettant