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LA MISÈRE

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Comment ça ? — Tout naturellement, fallait l’avertir. — C’était pas la peine. « — Si, c’était la peine. Je vais le trouver et je lui dis : « Vous me devez quinze francs, voulez-vous me les rendre ? Moi, qu’il dit, je ne vous dois rien, que Pas plus poli que ça, le propriétaire. la porte, faites-moi le plaisir de vous donner de l’air. ▸ Alors, moi, je riposte : M’sieu Canut, prenez garde, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Ah ! je me mets le doigt dans l’œil, c’est bon à savoir, je vais appeler mon garçon qui va vous mettre son pied quelque part, qu’y me dit. Là-dessus, je me retire. Mon voleur de propriétaire s’imagine m’avoir effrayé. Pauvre homme ! Le voilà qui se met derrière son comptoir à vérifier sa caisse et moi avec une grosse pierre : Pif ! Paf ! Dzinn ! Avez-vous des verres cassés à vendre ? que je lui crie, et je me sauve. Il court après moi. Je le laisse venir, bien près, tout près. Je me retourne ; Pan ! Je lui fous une gifle. Il me la rend ; nous nous empoignons et v’là une bataille entre un va-nu-pieds et un propriétaire. Il crie à la garde à l’assassin

!

Les sergents de ville arrivent, à la queue leu-leu. Pas de chance, c’est le propriétaire qu’ils arrêtent. Ils me laissent là, disant que je serais entendu comme témoin. On me prenait pour l’autre. Ça ne faisait pas mon affaire, mais du tout. Je vais au poste et je conte mon cas au chien du commissaire. Mais v’la t’y pas que c’t'animal s’avise de me prendre en pitiél « Je dois me rassurer, je n’irai pas en prison, il fermera les yeux, il connaît le père Canut, c’est une clique et si le droit n’est pas de mon côté, y a la justice et ça lui suffit, et patati et patata… » Alors, vous comprenez, la moutarde me monte au caisson et là-dessus je dis des sottises à ce pauvre homme et alors comme ça le regarde, il me fait arrêter et voilà. Mais, crient les gamins, c’est pas farce du tout. Pas farce ? Dites donc, les mômes, qu’est-ce qu’il vous faudrait donc pour vous faire rire, si c’est pas rigolo qu’un honnête homme doive faire du boucan, du dégât ou un vol pour se procurer un abri ? XXVI AU CACHO’T Le monde n’a pas changé, se disait Brodard et la république est un mensonge, puisque les pauvres sont toujours pauvres, les enfants du peuple toujours mal gardés, les ouvriers pas mieux garantis qu’autre fois contre la vieillesse.