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LA MISÈRE

155 gédies, dont je suis devenu le comparse sans l’avoir cherché. Me voilà également embarqué dans une sorte d’intrigue qui pourrait bien devenir une pièce de genre, avec le vieil original que je viens de rencontrer. Léon-Paul fit quelques pas vers la grille. — Allons, dit-il », poursuivant tout bas son monologue, « voyons cette Rousserand, qui d’abord m’a fait une impression excellente, impression de premier mouvement dont il faut se défier. Nous allons savoir ce qu’elle a l’intention de faire pour mes pauvres amis. » XXXV CHEZ MADAME ROUSSERAND Léon-Paul était plongé dans ces réflexions quand le valet qui l’avait introduit, vint le prier de passer dans le cabinet de madame. Ce cabinet était une grande pièce, si différente du reste de l’appartement, qu’elle semblait un contraste voulu, cherché, une protectation de ce qui était ailleurs. Là, point de riches tapis, de tenture, de meubles sompt eux, tout était simple et portait le cachet d’un goût sévère, d’habitudes studieus es, d’un ordre minutieux. Au milieu de la pièce, une grande table de chêne, couv rte de papiers rangés symétriquement, de lourdes chaises, un fauteuil canné, ces casiers verts et, le long des murs, à la portée de la main, des tablettes chargé es de livres tel était le mobilier du bureau. Peut-être avait-il appartenu au père de Mme Rousserand. Agathe s’en servait-elle par goût personnel ou par piété fil ale ? Quelques cadres attirèrent l’attention du maître d’école : les uns bordaient de fines gravures représentant des sujets mélancoliques ; d’utres, des sentences des maximes, des pensées empruntées à divers auteurs ; le tout écrit d’une grosse anglaise, ferme, lisible comme de la typographie. Léon-Paul s’approcha et lut : << Pour atteindre à la vérité, il faut, une fois dans sa v e se défaire de toutes les opinions qu’on a reçues. » DESCARTES. « Quelle sotte chose que l’opinion publique ! un homme de trente ans séduit une jeune personne de quinze ans : c’est elle qui est déshonorée. » > CHAMFORT. Ha ! très bien ! Tout s’explique, dit en lui-même le ma tre d’école. L’homme est une drogue, la femme une brave et intelligente femme ils doivent être à couteaux tirés. Ma première impression sur Mme Rousserand était bonne.