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LA MISÈRE

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« M. Paul s’était levé ; il se rassit après avoir, de l’œil et du geste, montré la porte à Madozet. » > « Celui-ci prit son chapeau : ▸ (1 C’est bien, » dit-il, « après m’avoir insulté, vous me chassez, maintenant ; tant mieux, cela me met à l’aise pour vous faire ma déclaration de guerre. Soyons ennemis, puisque vous l’avez voulu. L’homme que j’avais choisi pour prêtenom, dans l’espoir de vous amener à mes fins, n’est autre qu’un de mes serviteurs ; ne soyez donc pas étonné si, après-demain, un laquais vient prendre possession de votre domaine nominal. Car la somme qu’il vous faudrait pour empêcher cela, vous ne la trouverez pas, puissant seigneur. La lutte est tellement inégale entre nous que j’ai quelque honte de la commencer, et si vous vouliez… >> Non, monsieur, non, laissez-moi, » dit le comte, dont le visage s’empourprait de colère, dont le cœur battait avec furie ; « < sortez. Tous les amis de la RocheBrune ne sont pas morts. On peut me prêter, on me prêtera… » ((<< Madozet haussa les épaules : >> ― » Vous espérez trouver vingt mille francs, comme cela, dit-il, en mettant votre loyauté en gage. Une telle candeur me fait de la peine ! Rappelez-vous de ce que je vous dis : vous ne trouverez pas seulement à emprunter mille écus, même en hypothéquant votre plus cher trésor : la beauté de mademoiselle ! Il n’y avait que moi pour me contenter d’un tel gage. » • A cette vermineuse injure, le comte redressa sa haute taille. Sa face puissante. était injectée de sang. Il courut à la fenêtre, l’ouvrit précipitamment, revint vers Madozet, passa derrière lui, le saisit d’une main par le cou, de l’autre par une jambe et le lança dans la cour. » « < Tout cela en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire. « L’attaque avait été si soudaine, si imprévue, que Madozet n’avait pas eu le temps de pousser un cri, et que les jeunes filles n’avaient pu s’opposer à cet acte de violence, après lequel M. Paul vint s’asseoir près du foyer, dont il se mit à tisonner les bûches comme si rien d’extraordinaire ne venait de se passer. » Épouvantée, Valentine descendit en courant pour voir dans quel état se trouvait l’audacieux créancier. » «  « Un honnête homme se serait rompu le cou ; Madozet était sain et sauf. Il était tombé dans un cloaque. > « En le voyant déjà sur ses jambes, Valentine remit la chandelle à Nanette, que le bruit avait attirée, en lui disant : (— Fais lumière à monsieur. »

  • Puis elle ajouta :

« Ce ne sera rien qu’un peu de boue de plus. > . Et elle rentra. »