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LA MISÈRE

315 ― Ce que j’entends ? — Oui ! conviendras-tu avoir mérité le coup d’étire que tu as reçu ? — Jamais ce serait mentir. Comme tu dis cela ! Regarde-moi bien en face et jure-moi que tu n’as pas séduit la petite Brodard. Allons donc

!

est-ce qu’on séduit de telles espèces ? — Ah ! c’est une espèce, cette jolie petite fille, et tu ne l’as pas détournée ? — Non. Tu n’es pas le père de son enfant. — Non mille fois non ! mille. Comment expliques-tu le coup d’étire ? Cette abominable enfant m’a accusé, pour se couvrir, aux yeux de sa faAinsi tu es innocent ? — Je le jure. — Menteur ! fit Agathe avec dégoût, menteur et lâche ! je suis sûre du contraire. Il prit un air offensé. · Vous ai-je donné le droit de suspecter mes paroles ? Un peu. -Expliquez-vous. C’est à toi de t’expliquer. Il faut que je sache ce que tu diras au juge d’instruction. Pourquoi

?

— Parce que, moi aussi, je suis témoin dans l’affaire ; c’est moi qui t’ai vu Ja première baignant dans ton sang ; c’est moi qui t’ai porté les premiers secours. -Merci chère Agathe ! — Il n’y a pas de quoi, j’aurais fait la même chose pour n’importe quel homme, dans un pareil cas. Vous êtes cruelle, Agathe ! vous que j’ai tant aimée ! Il fit le geste d’essuyer une larme. Un instant, cela la troubla. Elle était si bonne, elle croyait si fermement au bien qu’un retour à la vertu ne l’aurait pas surprise, dans le plus endurci des criminels. Mais, habituée à déchiffrer les sentiments de son mari sur sa figure de faux bonhomme, elle n’y vit pas, en regardant bien, l’ombre d’une émotion. Écoute-moi, dit-elle, écoute-moi, Étienne Rousserand, je ne suis pas venue pour faire du sentimentalisme avec toi et échanger des fadeurs conjugales. Le temps en est passé. Hélas ! Ce n’est pas ta femme, c’est ton associée, c’est Agathe Monier, la bailleuse de fonds de ton industrie, qui te parle. — Madame !… que signifie cette comédie ! — Ah ! tu prends cela pour une comédie ! Ne comprends-tu pas que, suivantta déclaration au juge qui va venir t’interroger, tu perds ta réputation ou ton hon-