Page:Michel - La misère.pdf/317

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
317
LA MISÈRE

317 entendue, je t’aurais pardonné ; si tu avais manifesté le moindre repentir de ton abominable action, je t’aurais aidé à la réparer. Maintenant, c’est fini. » Qu’est-ce qui est fini ? La vie commune ! Ha ! Il y a longtemps que nous sommes séparés de fait, je veux que nous le soyons de droit. La figure du blessé s’éclaira. Ses yeux faux brillèrent d’un éclat singulier. Sa femme allait au-devant de tous ses vœux secrets. Si elle prenait l’initiative d’une séparation, elle mettait tous les avantages du côté du mari, pourvu que l’affaire d’Angèle tournât comme l’avait fait espérer Blanche. Il tâcha de dissimuler sa joie et reprit : Vous voulez, c’est fort bien, reste à savoir si vous pouvez vous séparer de moi. Je ne puis, répondit-elle, laisser entre tes mains toute la fortune dont tu ne connais pas l’emploi normal. Je veux au moins la diminuer autant qu’il me sera possible afin de diminuer tes moyens de faire le mal. Là-dessus elle sortit. XLIX POUR LE TRIOMPHE DE LA BONNE CAUSE Dans l’après-midi, Mue de Méria reçut de M. de Saint Cyrgue une lettre dans laquelle il s’excusait de n’avoir pas encore fait de visite à sa jeune parente. Il était malade et la priait de venir le voir. Cette lettre agita Blanche. Les perspectives et les éventualités du lendemain ne lui sortaient pas de l’esprit. Les leçons de Valérie s’en ressentirent. Elles étaient données avec une préoccupation qui n’échappa point à Mme Rousserand. L’institutrice avait des impatiences qu’elle s’efforçait en vain de réprimer. De son côté, l’enfant était nerveuse ; ses yeux se remplissaient de larmes à la moindre observation. Agathe aussi semblait profondément bouleversée. Il y avait de l’orage partout, dans la maison du riche industriel. Mme Rousserand se disait que c’était fini, bien fini entre elle et le père de sa fille. Il venait de lui donner les preuves de la profonde corruption de son cœur. Il n’y avait plus rien à espérer de cette nature dévoyée. Il n’y avait plus de possible que la séparation. Et pour l’obtenir il fallait établir la culpabilité du maître tanneur. C’est à quoi elle rêvait. Elle regardait sa fille avec d’inexprimables serrements de cœur. Le véritable lien était là, c’est là que le déchirement se ferait sentir. Un homme et une femme qui ont un enfant sont unis en lui, quoi qu’ils fas-